″Que voulez-vous consommer ?″, demande une serveuse à un jeune, la tête enfoncée sous sa casquette, qui vient de se poser sur une chaise en plastique à la terrasse "Mugyla-gyla", en plein cœur de Kinshasa. ″Rien″, répond-il, visiblement gêné. ″Il faut consommer pour rester là…″, lui fait savoir la serveuse. À cette terrasse, depuis 17 heures, les gens ont en effet commencé à prendre place, pas seulement pour y siroter un verre. Ils viennent aussi et surtout suivre les matchs de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations), qui se déroule au Ghana depuis le 20 janvier. Mais n’a le droit de s’asseoir que celui qui consomme une bière ou une autre boisson…
Depuis le début de la CAN, de nombreux propriétaires de débits de boisson de Kinshasa ont en effet installé des télés sur leurs terrasses pour faire d’une pierre deux coups : attirer les fans de foot et vendre plus que d'habitude… Car l’élimination au tour préliminaire des Léopards, l’équipe nationale de la RD Congo, de cette compétition continentale n’a ici en rien entamé la passion des Congolais envers ce grand rendez-vous du ballon rond. Ainsi voit-on dans tous les quartiers chauds de la capitale se former à l’heure des derbies de petits attroupements devant les bars.
Les rues ne sont certes pas désertées, comme du temps où les Léopards participent à cette Coupe d’Afrique. Mais, comme l’affirme Patrick Lumu, un fonctionnaire qui se sent “malade et orphelin” de l’absence des fauves congolais à cette compétition, ″la CAN a toujours été une fête et le foot le premier sujet des conversations dès qu’on arrive au boulot.″

Faire face aux coupures d’électricité
L’afflux des fans de foot dans les débits de boisson ou même devant les petites cabines téléphoniques est dès lors important. Il est en outre favorisé par les coupures d’électricité (délestages), devenues plus que chroniques dans la capitale congolaise. Pour parer à toute coupure, ces points d’attraction ont souvent un générateur en réserve. "En plus, un match est plus vivant quand vous le suivez en groupe…", explique Pascal Likana, qui a préféré, faute de courant chez lui, suivre un match des Super Eagles du Nigeria dans une terrasse de Matonge.
Même ferveur à Kisangani, le chef-lieu de la Province Orientale, aussi en proie aux coupures fréquentes d’électricité. Là-bas, des jeunes passionnés de foot s’organisent à qui mieux mieux pour suivre à tout prix les matchs. "Tous les deux jours, notre quartier est en délestage. A la demande des jeunes qui achètent le carburant, Antony Angolingoli amène son groupe électrogène et moi ma télé", explique Richard Malole, du quartier Lumbulumbu II, dans la commune de Mangobo. Pour se faire un peu de publicité, un négociant en diamant qui attire un grand monde chez lui affirme dépenser 10 $ chaque soir depuis le début de la CAN pour faire tourner son générateur…
D’autres habitants de Kisangani traversent le fleuve Congo en pirogues pour aller suivre les matchs à la rive gauche, dans la commune de Lubunga où l’électricité est plus ou moins stable. "On se regroupe aux alentours de l’hôpital général qui dispose du courant en permanence", témoigne Evariste Monyonga, un habitant.

Pas de vente sans télé
À Kinshasa, cette passion pour la CAN fait l’affaire des propriétaires de débits de boisson. ″Si tu ne mets pas de télé en cette période de la Coupe d’Afrique, tu n’as pas de clientèle″, avoue Timothée, le gérant de "Espace Paumubert" à Kitambo, qui attire la grand foule chaque soir. Sans donner des chiffres, il reconnaît que cette Coupe donne un sérieux coup de pouce à ses ventes. ″Personne ne peut venir voir un match ici s’il n’a pas consommé au moins deux bières ″, ajoute-t-il.
Deux bières coûtent 1400 Fc (2,5 $). Aux amoureux du foot et de la bière, qui passent en moyenne quatre heures à suivre les deux matchs au programme du jour, cela ne leur coûte pas les yeux de la tête…
Sorce : syfia