Tragédie dans la rivière Lukaya : dix adeptes de "La Révélation" meurent noyés
L’ombre de la mort qui rôde dans la ville de Kinshasa depuis le crash de l’Antonov 21 sur le quartier populaire de Kingasani en novembre 2007, vient de faire de nouvelles victimes en frappant, cette fois, des milieux religieux. Précisément, la jeune secte religieuse dénommée Centre évangélique «Révélation» dont l’activisme des dirigeants attire aujourd’hui beaucoup de jeunes-filles et garçons, pour la plupart sans emploi et en quête de refuge dans la spiritualité.
Sur boulevard Ezo n° 40 bis, quartier Yolo sud, commune de Kalamu, où est installé ce centre évangélique, un hangar sert de temple et accueille à longueur de journée plusieurs services religieux dont des veillées de prières. Ce qui fait dire aux voisins que l’« entreprise religieuse » prospère en fonction des talents des gagneurs d’âmes.
C’est dans cette communauté religieuse que le sort cruel a choisi de faucher des vies innocentes, des jeunes à peine sortis de l’adolescence et qui voulaient s’évader dans la nature et méditer sur leur devenir incertain.
Une balle à la base de l’hécatombe
Les peureux d’entre eux préféraient se reposer sur des pagnes étalés sous des arbres touffus et grignoter quelques amuse-gueules. On ne saura pas ce qui s’est réellement produit par la suite, mais à en croire un des rescapés, tout est parti d’une jeune fille qui ne savait pas nager.
Elle commet l’erreur de vouloir récupérer une balle perdue dans la réserve d’eau naturelle située à côté de l’Hôtel Nif, sur le flanc de la Lukaya. Mal lui en prit car elle chuta dans l’eau alors même qu’elle ne savait pas nager. Pour des gestes désespérés, elle attira l’attention d’un jeune homme, membre du groupe. Celui-ci se jeta à l’eau très rapidement, rejoignit la fille. c’est alors que le drame se produisit. La fille s’accrocha au jeune homme avec l’énergie du désespoir. Jusqu’au point de l’étouffer. Ce fut la panique !
Fqce 0 ce d2veloppe;ent dangereux de la situation, d’autres jeunes excursionnistes tentèrent le sauvetage, dira un autre rescapé, des trémolos dans la voix. Encore sous le choc, il revoit la scène de ces noyades en cascade contre lesquelles ils n’ont pu rien faire.
En dépit des cris de détresse, les pêcheurs qui traînaient dans les parages, pagayèrent en toute hâte pour rejoindre le lieu du sinistre. Trop tard ! On compta les vivants, ils n’étaient plus que 41. Dix ne répondaient pas à l’appel. L’excursion-spiritualité venait de tourner au drame. Des pleurs et des larmes parmi les rescapés, surtout que le chef de la délégation demeurait lui aussi introuvable. Si certains membres de la secte ont décidé de quitter immédiatement le lieu du cauchemar pour aller alerter les familles des disparus à Kinshasa, les autres acceptèrent d’attendre à Kasangulu, non seulement pour continuer des recherches, mais aussi répondre aux besoins de l’enquête judiciaire ouverte par la police et les autorités locales.
La liste des victimes
Parmi les noyés, on compte trois filles et sept garçons. Il s’agit de :
1. Shiko Munsi, chef de la délégation, habitant sur avenue Kikueta n°80, commune de Makala
2. Mlle Divine Mabunda, résidant sur avenue Luete, quartier Yolo-Sud, commune de Kalamu
3. Mlle Nathalie Mbuyi, domiciliée sur l’avenue Tubi bis, quartier Foire, commune de Lemba
4. Mlle Mode Ndombe, demeurant sur avenue Lubizi n° 69, quartier Foire, commune de Lemba
5. M. Prince Mikunzi, habitant sur avenue Kipata n° 43, quartier Uelé, commune de Makala
6. M. Molière Franklin, résidant sur avenue Lobo n°91, commune de Ngaba
7. M. Junior Mwembia, domicilié sur avenue Lokutu, quartier Yolo sud, commune de Kalamu
8. M. Alain Mambwe, demeurant sur avenue Kimwenza n°33, quartier Kauka, commune de Kalamu
9. M. Héritier Mbala, habitant sur avenue Mbole n°1, quartier Yolo sud, commune de Kalamu
10.M. Malos Imanga, résidant sur avenue Mbole n° 27 bis, quartier Yolo sud, commune de Kalamu.
Depuis qu’est survenu ce drame, avons-nous appris hier dimanche, les dix corps disparus, ont finalement émergé des ceux et ont été ramenés à Kinshasa. Une forte délégation constituée des membres de cette secte religieuse, ainsi que des familles des disparus, a fait le déplacement du Bas-Congo, afin d’identifier les corps retrouvés non loin du lieu de la noyade.
Excursion et spiritualité au rendez-vous de la mort
Au sein du centre évangélique « La Révélation », les cultes et veillées de prières étaient devenus si routiniers qu’un jour, un jeune cadre proposa l’idée de coupler tourisme et spiritualité en dehors de la ville de Kinshasa. Shiko Munsi parvint à convaincre ses dirigeants et à arracher le consentement de nombreux fidèles. Le pasteur titulaire Brown Bomalika n’y trouva rien à redire, estimant que cette idée valait bien la chandelle.
Le montant des frais de participation fixé, plusieurs excursionnistes s’inscrivirent sur la liste. Ils furent 51 adeptes retenus pour le voyage de Kasangulu, situé à près de 50 kilomètres de Kinshasa.
Comme pour faire sérieux, une autorisation de sortie leur fut délivrée par le bourgmestre de la commune de Kalamu, avec comme mission : tourisme et encadrement de la jeunesse chrétienne. Ce sauf-conduit a été visé par le Chef de Cité de Kasangulu.
Mercredi 30 avril, Shiko Munsi , le chef de la délégation et sa suite, prirent alors place à bord d’un bus. Après une trentaine des minutes, ils débarquèrent à Kasangulu, heureux d’abandonner momentanément la pollution de la ville, les tracasseries et les contrariétés de la vie.
Kasangulu est un coin où la verdure favorise l’évasion et la détente, contrastant avec la ville de Kinshasa où les bâtiments ravagent les espaces verts et remplacent les arbres.
A peine leurs bagages et valisettes installés dans des dortoirs de fortune, la fatigue du voyage leur inspira la baignade dans la rivière Lukaya.
C’était le mystérieux rendez-vous avec la mort. Voilà que les excursionnistes, amoureux des rivières et des piscines, dont certains en maillots de bain, les autres en culotte et chemise, se jettaient dans la Lukaya