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VIGILANCE RDC
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3 octobre 2008

Ce que d'aucuns appellent aujourd'hui la " ouestafricanisation " du transport kinois s'ancre de plus en plus dans les moeurs des

Ce que d'aucuns appellent aujourd'hui la " ouestafricanisation " du transport kinois s'ancre de plus en plus dans les moeurs des Kinois. De plus en plus, on remarque des motos faire le taxi sur les artères de Kinshasa. A ce jour, on rencontre des moto taximen un peu partout à Kinshasa. Ils ne passent plus inaperçus depuis quelques temps, leurs casques - parfois- sur la tête, un ou deux clients derrière, les chauffeurs des taxis motos sont en train d'envahir petit à petit les rues de Kinshasa. Un moyen de transport moins coûteux, moins exposé aux tracasseries routières, plus rapide mais plein de risques pour la ville de Kinshasa, fait savoir un motocycliste.

La place BKTF, QII et à Pétro Congo à Masina, Poids Lourds/Kingabwa et Iveco à Limete, Debonhomme à Matete… fourmillent de motocyclettes, prêtes à enfourcher passagères et passagers. Mardi 30 septembre, Kléber Kungu et Claudine Mbombo y ont été pour découvrir ce nouveau moyen de transport. Nous y avons rencontré des mototaximen, tout contents de faire ce job, qui nourrit quand même bien ses hommes.

La place BKTF à Masina est le berceau des mototaxis. Pablo alias " Nigérian ", originaire de Kisangani, dans la Province Orientale est le "père" des mototaximen. Venu de l'intérieur du pays, nous raconte Junior Michigan Ramazani, la vingtaine, Pablo a commencé avec des vélos. Après des vélos, il va s'acheter une moto, devenant ainsi la première personne à avoir introduit, en 2003, le transport à moto. En lançant le transport des personnes à bord d'un vélo, il était loin de se rendre compte qu'il venait d'ouvrir largement la voie au transport à moto qui, aujourd'hui, est en train de prendre de l'ampleur sur une ville de Kinshasa en proie aux éternelles difficultés de transport. Aujourd'hui, il est devenu un patron en s'achetant deux Kombi.

Place BKTF, à Masina. Il est plus de 11heures. Quelque 5 jeunes gens, la vingtaine pour la plupart, attendent de potentiels passagers, motos à califourchon. Nous en choisissons deux, qui acceptent de tailler bavette avec nous. " De quelle chaîne êtes-vous ? " Nous demandent-ils, aussitôt après avoir décliné notre identité. Cette question reste collée aux lèvres de plus de 80% des Kinois (Congolais) lorsque vous lui dites que vous êtes journaliste. Car à leurs yeux, n'est journaliste que celui qui preste dans une chaîne de "télé".

Le travail commence très tôt vers 4heures (pour les conducteurs non propriétaires) et prend fin à 22 heures. Il y en a qui vont jusqu'à 2 heures du matin. Les conducteurs ne prennent pas assez de précaution sécuritaire ni pour eux-mêmes ni pour les passagers. " C'est lorsque nous sommes sur la voie asphaltée que nous portons un casque ", raconte Mathieu Mukendi, la vingtaine, propriétaire d'une moto desservant dans Kingabwa. Contrairement à ses collègues, cet électricien sorti de l'Ista commence à 7 heures pour terminer à 20h30'.

Les mototaximen, comme les chauffeurs, sont regroupés en association : l'Association des conducteurs des motos au Congo (ACMCO). Chaque coin de Kinshasa où il y a des moto taxis dispose d'un comité. La section de Masina, berceau des moto taxis, est présidée par Nathan, Junior Michigan Ramazani en est le vice-président. La section Kingabwa a pour président Fedos et vice-président Laurent Kabasele. Chaque coin, a ses initiateurs ou pionniers. Au quartier Poids Lourds de Kingabwa, nous sommes tombés sur ceux à qui revient la naissance du transport à moto dans ce coin de la capitale. Ils sont six à l'avoir lancé le 4 janvier 2008 : Papy Baruti, Laurent Kabasele, max, Eddy, Rabby et Crispin.

" Pour obtenir l'installation d'une section de moyen de transport, la demande est agréée par un carnaval motorisé qui se termine au quartier qui doit recevoir la section. Une banderole est plantée signifiant que désormais les motos peuvent faire le taxi dans ce coin. Toutes les motos du carnaval y restent pendant au moins 3 heures avant de quitter ", nous raconte Djo Lay.

100 FC la course, 500 FC express

Certains ont observé pendant longtemps, l'évolution du premier chauffeur taxi moto avant de se lancer dans l'aventure. Les autres ont été convaincus par leurs frères qui pratiquent et vivent grâce à ce métier pour les introduire dans le circuit. D'autres encore ont goûté aux délices de la moto qui paierait mieux que le taxi ou le taxi bus.

A Masina tout comme à Limete, le prix de la course est la même : 100 FC/passager. ll double quand le client exige que le chauffeur le dépose à sa maison et se multiplie parfois par dix ou vingt quand il faut aller au delà de son champ d'action.

Les conducteurs se foutent, au détriment des dividendes financiers qu'ils en tirent, de l'amortissement rapide et même précipité de leurs motos. Ils avouent quand même porter un coup fatal à leurs motos lorsqu'ils transportent deux personnes, soit une charge d'environ 200 kg pour les deux passagers et le conducteur lui-même. " Nous transportons deux personnes pour essayer de combler le manque à gagner parfois au retour de la course ", s'explique Mathieu Mukendi, engoncé dans un survêtement rouge. Junior Michigan Ramazani de BKTF à Masina reconnaît les dommages causés à l'engin lorsqu'on lui fait transporter deux passagers à la fois, mais il explique cela par le souci de vite atteindre le montant de versement journalier. " Ce sont les passagers eux-mêmes qui préfèrent être transportés à deux, n'étant pas capables de payer 100 FC lorsqu'on est seul ", nous raconte Junior Michigan Ramazani. Il faut également 7 litres d'essence par jour.

Quant à la catégorie de la clientèle, ce sont les femmes qui acceptent facilement, sans beaucoup réfléchir d'être transportées à moto. Les hommes réfléchissent par deux fois. "

Moke Bonjoli, la quarantaine, ancien cambiste, s'est lancé dans cette aventure depuis six mois. L'affaire commence un certain 20 janvier quand il décide d'acheter une moto, après avoir été persuadé par un ami qui évolue dans le secteur depuis trois ans. " Comme vous le savez au mois de janvier, les opérations de change tournent au ralenti et si tu n'es pas un cambiste sage, tu risques de perdre tous les fonds. C'est pourquoi j'avais pris la résolution d'investir mon argent dans une autre activité commerciale. Le choix est tombé sur le transport de taxi moto ".

8 000 FC de versement/jour pour une recette journalière de 15 000 FC à 20 000 FC

Huit cents dollars ont suffi pour que Moke Bonjoli se procure une moto qu'il ne savait d'ailleurs pas conduire. Après trois séances d'apprentissage, ce père de trois enfants se lance dans la profession. Aujourd'hui, il tient les deux bouts du mois sans trop de peines, ses deux enfants étudient, sa femme tient une boutique dans le quartier où ils habitent, grâce à son unité de production. " Mes recettes journalières varient entre 15 000 et 20 000 francs congolais. Je me suis imposé une discipline d'épargner toujours la moitié des recettes journalières ", nous confie-t-il. Bien qu'il soit propriétaire, Moke se comporte comme un employé, c'est-à-dire il respecte le versement conclu entre propriétaire et conducteur de moto, convenu à 8 000 FC/jour.

A la différence des autres, lui garde son argent dans une caisse d'épargne de la place. Laurent Kabasele tire aussi profit de ce job. " J'ai beaucoup de souvenirs, notamment des biens meubles de ma maison, je parviens à scolariser mes enfants… ", nous confie-t-il.

Pour Moke, ce sont les policiers, les éléments de la garde républicaine, du bureau d'investigation, communément appelés " Bureau D " qui sont la bête noire de sa profession. Ils auraient trouvé leurs vaches à lait dans ce quartier. " Chaque jour, ils nous rançonnent 100 à 200FC sans motif valable et quand vous essayez de résister, ils vous conduisent au commissariat où vous pouvez dépenser facilement de 2 000 FC à 3 000 FC.

Alors que Moke est sur le point de terminer son récit, j'aperçois un homme qui avance vers nous. M. Moke le pointe de sa main droite qui tient sa clé de contact. " Madame, voici l'une des personnes dont je te parlais tout à l'heure". Je me présente à l'homme et lui raconte tout ce que mon interlocuteur a déclaré à propos des tracasseries dont ils sont victimes. Sans gêne, le soldat de la GSSP avoue les faits. " Ca, c'est notre champ de bataille, nous le protégeons et, en contrepartie, ils doivent nous nourrir avec nos familles chaque jour ", avoue le militaire, sans gêne. " Mais vous êtes payés pour ça ", je lui rétorque. " Je sais et nos autorités ne cessent de nous tirer les oreilles pour dire que nous devons vivre de notre solde, mais combien nous touchons par mois ? Madame, tant que les soldes des militaires ne seront pas améliorés, vous les civils, vous serez notre champ de récolte ", crache le militaire, naturellement (entendez, victimes des tracasseries policières).

Mon interlocuteur est obligé d'interrompre l'entretien. Il doit reprendre son travail car le temps risque de jouer contre lui. Il est déterminé, d'ici à cinq ans, à acheter une voiture et plus tard une parcelle et pour réaliser ses projets, il doit bosser dur.

Contrairement à Moke Bonjoli , Djo Lay est devenu motocycliste par le canal de son grand qui lui a demandé de quitter son Tshikapa natal où il creusait du diamant, après avoir accroché son diplôme d'Etat. Ce jeune homme de 28ans qui fait le trafic au quartier Kingabwa, rêve de devenir un grand commerçant des motos mais entre le rêve et la réalisation, la route est encore très longue. Marié et locataire, il doit verser chaque jour 8 000 FC à son employeur, nourrir sa jeune épouse, payer 11 000 FC de loyer chaque mois. Avec toutes ses charges, il ne sait rien épargner pour le moment. Optimiste de nature, Djo Lay est convaincu qu'il y parviendra un jour, comment ? La réponse à cette question n'est pas encore à l'ordre du jour.

Quand accidents et tracasseries se croisent sur la route de la moto

Certes, les motos contribuent à l'allégement des difficultés de transport pour certains Kinois, mais les risques d'accidents sont trop élevés. Dans une ville où plus de la moitié des conducteurs ne maîtrisent pas le code de la route, les motocyclistes sont exposés quotidiennement aux accidents. La veille de notre reportage, un moto taximan a percuté une remorque. De cet accident il est sorti avec deux jambes cassées, sa moto totalement endommagée, nous informe Djo Lay. L'accidenté est interné à l'hôpital Saint Joseph de Limete. Pour nous montrer qu'être conducteur de moto est un métier à haut risque, Junior Mukendi nous retrousse son pantalon jeans en nous montrant une des jambes marquée par des cicatrices.

Les motocyclistes de Kingabwa se cotisent chaque jour pour nourrir les sportifs délinquants de ce quartier, appelés communément " Bapomba " ou " Batu ya makasi ". Il y a aussi la police routière qui exige un permis de conduire, une carte rose et une assurance à chaque moto taxi. Pour Djo Lay, motocycliste que nous avons rencontré au parking sur la route des Poids lourds au niveau de la 17ème rue, en train d'attendre des clients, ne comprend pas comment une moto peut être soumise aux mêmes conditions de circulation qu'un véhicule alors que la moto emprunte rarement les grandes routes. Il attend une explication convaincante avant de se procurer tous ces documents. En attendant, il continue son " coup de mains " sans trop de soucis.

Mathieu Mukendi de Kingabwa, lui, a un mauvais souvenir car un élément de la GSSP l'a pris en otage toute la journée, l'obligeant de le conduire, avant de le relâcher à 24 heures. Lui, qui n'a commencé qu'en février, doit s'attendre à pire que cela avec le temps.

Ce chauffeur débute sa journée à 5 heures pour la finir à 22h. Il a un seul jour de repos : le dimanche. " Même si je n'ai rien en poches, le dimanche est un jour sacré pour moi, c'est l'unique jour où ma femme peut me contempler sous la lumière du soleil, les autres jours je la laisse au lit et je la retrouve au lit ",nous confie-t-il. Il a une préférence pour les clientes car elles posent moins de problèmes que les hommes. " Les femmes sont moins exigeantes et quand il y a crevaison de pneu, par exemple, elles sont patientes, ce n'est pas le cas avec les clients ", ajoute-t-il.

De Masina, place BKTF ou Pétro Congo à Limete 7ème et 17ème rues Limete en passant par Matete à Debonhomme, le phénomène transport par moto se répand très vite. Né en 2003 avec l'initiative féconde de Pablo, devenu aujourd'hui patron polygame, le transport par moto a de beaux jours devant lui. Avec le faible coût de la moto, Kinshasa est en voie de compter de nombreux patrons propriétaires de motos.

Les taxis motos viennent pallier les difficultés dans le transport en commun des Kinois éloignés des grandes artères. Ceux qui couvraient autrefois un à deux km à pieds après avoir descendu d'un bus ou taxi bus. Ils sont plus fréquents dans les quartiers les plus reculés des communes de Masina, Limete, Matete, Kimbanseke.

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