Bas-Congo : le retour de la chasse dépeuple la forêt du Mayumbe
Dans le territoire de Mayumbe, au Bas-Congo, les chasseurs devenus très nombreux, tuent par tous les moyens, sans permis et sans discernement les animaux de la forêt, compensant ainsi la baisse de fertilité des sols qui ne produisent plus suffisamment. Une catastrophe pour la faune locale.
Chaque jour,
aux petites heures du matin, les sentiers menant vers les forêts
situées sur l’axe routier reliant les villes de Matadi et de Boma, dans
la province du Bas-Congo (ouest de Kinshasa) grouillent du monde. Les
uns, portant du gibier à la main, rentrent tout joyeux dans leurs
villages ; d’autres, accompagnés de chiens grelottants, prennent la
direction des forêts. "Ce sont des chasseurs", explique une paysanne,
assise sur un tronc d’arbre. Vêtus de guenilles, fusils de chasse en
bandoulière, petites besaces de fortune au dos…, ces chasseurs "ont
pour la plupart tourné le dos depuis quelque temps à l’agriculture
réservée maintenant aux vieillards", observe, triste, Colette Kobo,
aide-accoucheuse dans un centre de santé situé sur cet axe routier.
A travers les villages de Mayumbe, jadis grenier de la province du
Bas-Congo, la plupart des jeunes paysans ne jurent plus que par la
chasse. Ils ont relégué au second plan l’agriculture qui ne les fait
plus vivre comme par le passé. A l’origine, outre la fermeture, depuis
quelques années, des sociétés forestières qui achetaient en grande
quantité les récoltes des paysans, s’est ajoutée la disparition de la
couche d’humus qui a entraîné l’appauvrissement du sol. "Cette
disparition est due à la déforestation intense de la région qui a
provoqué des perturbations climatiques, explique Gaston Nginayevuvu,
ingénieur-agronome. Pour y remédier, il faut introduire l’usage du
compost, des matières organiques et des fertilisants du sol".
Ainsi, pour leur survie, les planteurs disent ne plus avoir
d’alternatives. "J’ai mis une croix sur les activités agricoles qui ne
donnent plus que de maigres résultats. A la place, j’ai opté pour la
chasse très bénéfique", affirme José Muingi, un jeune paysan de
Kizulu-Sanzi, à une centaine de kilomètre de Matadi. Il poursuit avec
enthousiasme : "Regardez. Avec mes petites économies provenant de la
vente des gibiers, j’ai acheté une moto neuve en l’espace de 8 mois
seulement".
Extermination
Mais la grande majorité de ces chasseurs ne disposent pas de permis de
chasse. "Parmi les milliers des chasseurs recensés dans le Mayumbe fin
2008, une cinquantaine seulement disposent des dossiers complets",
renseigne le ministère de l’Environnement, conservation de la nature et
tourisme. Selon ce dernier, ces ex-planteurs se livrent à une vraie
chasse sauvage. Ils tuent tous les animaux qu’ils rencontrent sur leur
passage sans tenir compte de leur âge, "mêmes les espèces rares
(éléphant, pangolin, porc-épic, singes….) ne sont pas épargnées au
grand dam de l’environnement".
Sur l’axe routier Matadi-Boma, les deux principales villes du
Bas-Congo, on voit partout des points de vente de gibier et le commerce
de la viande boucanée ne fait que s’accroître. Mbenza-Thubi, un élu du
coin attribue cette situation "à la ruée des citadins vers la viande
fraîche des forêts ainsi que la recherche des mets exotiques". Non
seulement les chasseurs exercent sans permis, mais afin de répondre à
la forte demande, ils recourent aux filets et aux potions empoisonnées
pour capturer du gibier en grand nombre. "En une seule nuit, j’ai
abattu 12 animaux avec mon fusil, j’en ai capturé 7 dans mes pièges et
tué 8 autres par empoisonnement", se targue sans gêne Joachin Mbungu,
un villageois de Situ-Kaka, proche de Matadi. Mais ces procédés
irritent certains. "Il faut arrêter sinon nous allons vers la
catastrophe. Ces pratiques risquent d’exterminer les espèces animales",
tonne Anderson Mavungu, un défenseur de la nature à Matadi.
Conserver certaines espèces
Pour arrêter ce fléau qui prend des proportions inquiétantes, Séraphin
Bavuyide, ministre provincial en charge de l’Environnement,
conservation de la nature et tourisme, en appelle à l’application des
mesures de réglementation de la chasse. "Il faut entre autres veiller
au respect du calendrier de l’ouverture de la chasse qui va du 1er juin
au 28 février et encourager le retour à la terre", précise-t-il. Les
défenseurs de l’environnement au Bas-Congo demandent à l’autorité
d’agir vite. "Il faut créer une réserve à l’instar du Virunga pour
conserver certaines espèces animales menacées de disparition. La
province doit aussi concevoir un programme de réhabilitation des unités
de production d’antan du Mayumbe…", suggèrent les Ongs de
l’environnement.
Ce n’est pas tout. Julien Muanda, un octogénaire dans un village au
Bas-Congo, en est convaincu : "Il faut chercher par tout le moyen à
remédier à la baisse de fertilité qui frappe les terres arables du
Mayumbe. C’est la seule solution durable pour revaloriser l’agriculture
et freiner la chasse des gibiers".
Source : Syfia/Grands Lacs