Vuemba et Atundu divergent sur Bemba, la SADC, le TPI/RDC...
Dans le cadre de cette interview croisée, Le Phare reçoit deux personnalités, Jean-Claude Vuemba, président national du MPCR (Opposition) et André-Alain Atundu, président de la CDR (Alliance de la Majorité Présidentielle). Les sujets du débat contradictoire portent sur l’affaire Bemba, le 29ème Sommet de la SADC, le TPI/RDC et les contrats chinois. Le Phare Des Assaillants non autrement identifies ont attaqué les résidences de deux Ministres du Gouvernement dans la nuit du dimanche et lundi 31 août. Avant de disparaître dans la nature en laissant un message de menace de mort au cas où ces personnalités se présentaient comme témoins contre J.P Bemba. D’autres personnalités anciennement proches du leader du MLC et ancien journaliste ont été cités. Quelle est votre lecture de cette affaire qui défraie la chronique politique ?
Jean-Claude
VUEMBA
Voici la preuve, si besoin en était encore, que la République
Démocratique du Congo vit au rythme du cycle de la violence depuis les
premières heures de l’indépendance. L’homme Politique congolais vit
dans l’insécurité permanente au péril de sa vie destinée au service de
la nation. Quant aux attaques et menaces proprement dites, nous y avons
perçu deux axes majeures : Le premier viserait à faire croire à
l’opinion internationale que la liberté provisoire accordée à Jean
Pierre BEMBA, Chairman du MLC, constituerait une source d’insécurité en
République Démocratique du Congo en ce sens que ses partisans
verseraient dans le triomphalisme béat quant à l’issue du procès exigé
par le Prisonnier Politique de la Cour Pénale Internationale ; le
second consisterait à obtenir la langue de bois de ses anciens
compagnons de la guerre de libération menée de 1998 à 2003, qui sont
appelés à témoigner contre leur propre leader d’alors, dont ils furent
les seconds couteaux, c’est-à-dire complices de recel et autres abus
commis par les soldats de l’Armée de libération du Congo tant dans le
Nord de la République Démocratique du Congo qu’en République Centre
Africaine de 2002 – 2003. Cette quadrature du cercle politico-militaire
est donc un écheveau difficile à démêler pour le moment. Mais, nous
soulignons que le défi doit être relevé par une enquête de services de
sécurité sur la dignité bafouée des hommes d’Etat et la fragilité de
leurs gardes rapprochées. Atundu Liongo : Le drame dans l’affaire Bemba
relève du psychodrame d’une certaine opinion qui voudrait, primo pour
des raisons difficiles à comprendre mais faciles à imaginer,
congoliser, disons, nationaliser une affaire entre le MLC-Mouvement
politico-militaire et l’Etat centrafricain. Secundo, politiser
inutilement une procédure judiciaire qui relève du droit de l’inculpé
Bemba et de la prérogative du procureur Ocampo. Tertio, établir une
comparaison impropre entre l’attitude du Président Sarkozy dans
l’affaire de l’Arche de Zoé au Tchad et celle du président Kabila dans
l’affaire Bemba à La Haye. Quarto, imposer la pensée unique par
l’intolérance. Or, l’affaire Bemba, faut-il le rappeler, oppose le
sénateur Bemba Gombo, en tant que patron du MLC-Mouvement
politico-militaire, à l’Etat centrafricain qui a actionné la cour Pénal
Internationale. L’Etat congolais qui n’est pas partie prenante ni mis
en cause n’y a donc aucun intérêt au sens juridique du terme stricto
sensu. Ce qui le prive de la légitimité nécessaire pour intervenir
juridiquement en tant qu’Etat de façon pertinente et efficace. Par
ailleurs, la demande de liberté provisoire est un droit reconnu à tout
prévenu incarcéré, tout comme le Procureur est dans son rôle, lorsque,
fort de son intime conviction, il interjette appel contre la décision
de la juge unique d’octroyer la liberté provisoire au sénateur Bemba
Gombo. Il s’ensuit donc que quiconque voudrait agir réellement en
faveur du sénateur doit mener une action adéquate auprès de la cour au
lieu d’agiter inutilement l’opinion nationale par des arguties et des
considérations artistes sans aucune incidence sur le déroulement de la
procédure, sinon de nourrir malencontreusement par un effet de
boomerang une appréhension voire une suspicion légitime quant au risque
d’exploitation politique en RDC et ailleurs par ses partisans et
militants. A la place, prenant la tête de tous les sympathisants, le
MLC ferait œuvre utile et une meilleure initiative en levant un fonds
par cotisation pour soutenir le procès, ou en adressant au Gouvernement
centrafricain une requête d’abandon et de retrait des plaintes, ou
encore en se constituant partie civile d’autant que certains de ses
collaborateurs dans le MLC-mouvement politico-militaire sont encore
dans le MLC-parti politique. Enfin, la comparaison entre Sarkozy et
Kabila dans le cas d’espèce est à la fois inadéquate et impropre. Car,
en dernière analyse, il est demandé au Président Kabila de s’opposer au
déroulement du procès et partant de gêner la recherche et la
manifestation de la vérité, ce que n’avait
pas fait le Président Sarkozy dans l’affaire de l’Arche de Zoé. De
plus, ni le Président Kabila ni le Gouvernement de la République,
encore moins le sénat ou l’Assemblée Nationale ne peuvent demander avec
quelque chance de succès d’accueillir le sénateur Bemba Gombo pour sa
liberté provisoire, la RDC étant vraisemblablement considérée comme un
lieu de refuge où la cour pénale risque de perdre toute autorité sur le
prévenu à cause de son statut de sénateur et de Président National d’un
grand parti de masse, la 2è force politique du pays. Selon toute
vraisemblance, c’est un climat malsain entretenu par quelques pêcheurs
en eau trouble qui a poussé quelques extrémistes perpétrer gratuitement
des forfaits regrettables et hautement préjudiciables contre les
ministres Endundo et Thambwe. C’est un acte de mesquinerie qui ne
présente aucun intérêt pour la RDC et qui n’est d’aucun secours ou
profit pour le sénateur Bemba. De là à penser que le Président Kabila
pourrait être l’Instigateur d’un tel acte serait parfaitement immoral
au regard de son engagement personnel depuis Sun City jusqu’à ce jour
pour privilégier le dialogue politique au règlement de comptes par la
violence. Dans cette affaire comme dans tant d’autres, il est de
l’intérêt bien compris du peuple congolais que les armes cèdent la
place à la toge.
Le Phare :
Des observateurs saluent la tenue du sommet de la SADC à Kinshasa comme
une victoire diplomatique du Chef de l’Etat. La RDC est en train de
reprendre sa place de leadership en Afrique. Partagez-vous cette vision
?
Jean-Claude VUEMBA
Les Congolais ont la mémoire courte. Monsieur Joseph KABILA, le Chef de
l’Etat, préside la CEEAC depuis l’année passée lors du dernier sommet
tenu à Brazzaville, Capitale de la République du Congo. Pourquoi
n’a-t-on pas alors parlé de victoire diplomatique alors qu’en principe,
il devait être désigné président en exercice lors du prochain sommet de
la CEEAC prévu en octobre prochain à Kinshasa ? Quant à la SADC, nous
constatons que c’est le premier sommet qui se tient en République
Démocratique du Congo depuis son adhésion en 1997, il y a 12 ans. Le
29è sommet de la Conférence pour le Développement de l’Afrique Australe
consacre peut-être la victoire diplomatique et politique du Chef de
l’Etat RDCongolais. Comme de coutume pour le pays hôte en trois
décennies d’existence depuis sa création en 1980 par les 9 pays de la
ligne de front contre le régime de l’Apartheid appliqué depuis
longtemps en République Sud Africaine. A notre avis, ce leadership est
partiel c’est-à-dire sous régional. Le véritable leadership de la
République Démocratique du Congo devrait s’exprimer au niveau
continental dans les instances de l’Union Africaine et du Nepad
(Nouveau Partenariat pour le Développement Africain) basée
respectivement à Addis-Abeba (Ethiopie) et à Midrand (RSA). Or, la
République Démocratique du Congo brille par son absence remarquable et
regrettable au niveau du secrétariat général de l’UA et du comité de
pilotage du NEPAD. Au contraire, les pays suivants mènent le leadership
politique, diplomatique et économique en Afrique : Libye et Gabon (UA)
; Algérie, Egypte, Nigeria, République Sud Africaine et Sénégal
(NEPAD). Rappelez-vous qu’en 1968, le République Démocratique du Congo,
présidée alors par le Lieutenant Général Joseph Désiré MOBUTU,
Fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), le 20 Mai
1967, avait abrité le 5è sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine
(OUA) à la cité présidentielle du Mont Ngaliema. Quarante et une années
après, cette cité panafricaine dite pince sans rire de l’UA abrite un
sommet sous régional de la SADC en attendant celui de la CEEAC en
octobre prochain. Et pourquoi pas de la CEPGL en novembre et du COMESA
en décembre prochain ? Cette vision sera peut-être constatée au bout de
l’année au niveau partiel et de la décennie courante au niveau global,
c’est-à-dire continental en marge du cinquantenaire de la République
Démocratique du Congo (1960 – 2010). Atundu Liongo :
A tout seigneur, tout honneur! La tenue du 29è sommet de la SADC est
un hommage mérité que les collègues partenaires du Président Kabila ont
voulu rendre au Président et au peuple congolais pour leur persévérance
dans la quête de la paix, de la réconciliation nationale et de la
reconstruction du pays, avec en prime la reconnaissance du mérite
incontestable de notre diplomatie menée conjointement et
harmonieusement par le ministre des Affaires Etrangères et son collègue
de la Coopération. Comme il appert à cette occasion, la RDC a tout
naturellement repris sa place dans le concert des Nations de la SADC.
Mais, comme l’a si bien dit le Président Kabila, il reste à la RDC, en
prenant la tête de la SADC, de jouer sa partition et son rôle dans le
conduite des affaires pendant les 12 prochains mois par mission, bien
sur, mais avant tout par solidarité et reconnaissance. La plus grande
louange adressée à Kabila par ses pairs, on s’en est certainement
aperçu, est l’absence éloquente et cinglante d’une préoccupation
particulière des chefs d’Etat et de Gouvernement quant à la sécurité et
à la défense du Congo ou quant à sa capacité d’intégration régionale.
Il nous reste donc à relever le défi de la réussite du mandat de la RDC
qui n’est pas du seul fait de Kabila mais qui dépend en grande part de
la capacité de la classe politique congolaise à l’accompagner dans son
exaltante mission. Alors la République Démocratique du Congo aura
réussi la réhabilitation totale de son image non seulement dans la
sous-région mais aussi dans le monde.
Le Phare :
Mme Hillary Clinton, Secrétaire d’Etat américaine a proposé la création
d’un tribunal pénal international spécial pour la RDC. Un projet
irréalisable selon certains observateurs de la scène politique de la
Sous-région des Grands lacs. Qu’en pensez-vous? Jean-Claude VUEMBA
Madame Clinton ne s’est guère trompée. Car, elle a rappelé au nom du
Droit Humanitaire International ce que les leaders de l’opposition
radicale, incarnée par Monsieur Etienne TSHISEKEDI wa MULUMBA, Leader
Maximo de l’UDPS, et les différents animateurs de la Société Civile
avaient exigé de la Communauté Internationale depuis les assises du
Dialogue Inter Congolais, tenu du 25 février 2002 au i9 avril 2003 à
Sun City (RSA). Il y a bel et bien eu lieu un Tribunal de Nuremberg en
Allemagne pour les crimes de guerre et ceux contre l’humanité commis
lors de la seconde conflagration mondiale de 1939 à 1945, il y a bel et
bien eu lieu un Tribunal des Peuples à Rotterdam (Hollande) pour la
défense et la préservation des droits de l’homme en 1982, il y a bel et
bien eu lieu un Tribunal International pour l’ex-Yougoslavie du
Maréchal TITO, il y a bel et bien un Tribunal International pour le
Rwanda, qui siège à Arusha en Tanzanie, auquel participe comme avocat
notre collègue Député, le professeur NYABIRUNGU de l’Université de
Kinshasa. Et pourquoi pas un Tribunal Pénal International pour la
RDCongo, qui déplore le génocide de quelque 5.000.000 de morts survenus
lors de la guerre de l’Est, du 03 septembre 1996 à nos jours avec, en
outre, 1.000.000 de déplacés plus que le Darfour à l’Ouest du Soudan. A
titre de comparaison, la 2è guerre mondiale a connu 1.000.000 de morts
contre moins de 300.000 pour le génocide rwandais. Aujourd’hui, la
Turquie est recalée pour son adhésion à l’Union Européenne à cause du
génocide arménien commis à la fin du 19è siècle. Dans le cas du refus
pour la sous région des Grands Lacs, déchirée par 8 armées
belligérantes 7 ans durant la première guerre panafricaine de 1996 à
2003, nous signons, persistons et dénoncerons à hue et à dia la
politique de deux poids, deux mesures par les Nations Unies. Ce serait
encore un complot international contre la RDCongo après l’échec de sa
balkanisation suite à la résistance farouche du peuple congolais qui
tient à son unité, sa reconstruction et son développement harmonieux.
Atundu Liongo :
Pourquoi pas ? Après tout, Mme Hillary Clinton a exprimé une
préoccupation somme toute légitime en s’inspirant de ce qui se fait
ailleurs, notamment pour le Rwanda. La mise en application de l’idée de
Mme Clinton, pour ne créer de la confusion,
devrait considérer les intérêts réels et bien compris du Peuple, de la
RDC et de la sous-région grâce à une administration sereine de la
justice dans le but de résoudre réellement et efficacement les
problèmes posés sous tous ses aspects. C’est à l’Etat congolais d’en
étudier la pertinence et l’opportunité eu égard au contexte particulier
de notre pays. Il est évident que la vérité, la justice et la
réparation sont exigence d’équité et même de démocratie. Mais n’agir
tout simplement par mimétisme ou uniquement pour faire plaisir ne
garantit pas nécessairement le résultat escompté. Un tribunal n’a pour
fonction d’handicaper la gestion du Pays, La réconciliation et la
recherche de la paix. Elles constituent plutôt une condition pour son
fonctionnement normal et efficace. Donc, ce qui compte avant tout pour
la RDC c’est l’intérêt bien compris du Peuple congolais et le
traitement des nombreux traumatismes qui l’accablent. Dans ce cadre, un
tribunal n’est qu’un des moyens parmi tant d’autres dans le
fonctionnement d’un Etat. Et en tant que haut responsable américaine,
Mme Hillary Clinton peut comprendre et nuancer les choses. On ne peut
raisonnablement prendre le risque de jeter l’enfant avec l’eau du bain.
Le Phare :
La Banque Mondiale et le fonds Monétaire international viennent de
revoir leurs positions sur les contrats chinois. Le programme des cinq
chantiers du chef de l’Etat va se réaliser au Grand bien des
populations congolaises. Qu’en dites-vous ?
Jean-Claude VUEMBA
C’est une bonne option que les Institutions de Breton Wood (BM-FMI) ont
pris après un examen minutieux des fameux contrats chinois qui avaient
lié le Gouvernement Central de la République Démocratique du Congo à un
accord léonin conclu par le duo CREC – Gécamines et un commissionnaire
véreux avec 18% des parts. Moi et mes collègues Députés de la chambre
basse sommes contents dans la mesure où nous avons levé le ton
nationaliste pour la ré visitation de ce contrat sino congolais qui
déshabillait Saint Pierre pour habiller Saint Paul. En clair, la
République Démocratique du Congo demande à l’Occident d’effacer 90% de
sa dette colossale de 12.000.000.000 de dollars américains en allant
s’endetter au pays phare de l’Orient. C’est impensable ! Toujours
est-il que ce jeu économico financier de poker menteur continue encore
avec la réunion du Club de Paris le 15 septembre 2009 et la prochaine
Assemblée des Institutions de Breton Wood à New York (Etats-Unis) à la
fin du mois. Quant à l’exécution de ces Cinq Chantiers de la République
(nous insistons sur cette expression), nous attendons encore les
invitations officielles pour la cérémonie d’inauguration en 2010. Entre
temps, nous ne perdons rien pour attendre leurs réalisations
effectives. Atundu Liongo :
Cette décision n’est que bon sens et justice à l’égard du Peuple
congolais. Les institutions de Breton Wood ne peuvent empêcher le
Gouvernement de la RDC et reprocher au Président Kabila d’avoir trouvé
auprès de la Chine les fonds nécessaires pour réaliser un programme qui
conditionne la renaissance de l’Etat au Congo et le bien être des
populations congolaises. Ceci dit, les cinq chantiers constituent un
cadre d’activités trouvé par le chef de l’Etat pour assurer une
meilleure synergie des initiatives au niveau national. Par définition,
son financement est donc tout venant. Comme le dit la sagesse
populaire, il ne faut pas mettre tous les œufs dans un même panier, la
RDC n’a pas tout misé sur les contrats chinois et la Chine. La
coopération bilatérale avec d’autres pays, notamment occidentaux,
continue de même que la coopération multilatérale avec les institutions
financières internationales. La même sagesse populaire poursuit en
disant que celui qui porte les œufs n’a pas intérêt à se battre pour ne
pas casser ses œufs et donc les perdre, de la même manière La RDC n’a
aucun intérêt à se brouiller avec les institutions de Breton Wood ou
avec ses autres partenaires traditionnels ni d’ailleurs à se brouiller
avec les chinois pour s’entendre avec des occidentaux. Je le répète :
l’intérêt bien compris du Congo exige un apport tout venant et sans
exclusive dans le financement des cinq chantiers, ce que le FMI et la
Banque Mondiale ont parfaitement compris. D’ailleurs, le malentendu est
levé. Ainsi interviennent dans le financement et l’exécution des cinq
chantiers les organisations financières internationales, les Etats, les
particuliers, les Nationaux, les Etrangers… Bref, tous ceux qui
partagent avec le Président de la République un intérêt généralement
quelconque dans la réalisation des cinq chantiers.
source : le Phare