Le ministre Botoro au pied du mur
Le ministre de la Fonction Publique, Michel Botoro, pointé comme le
grand tripatouilleur des listes soumises dernièrement à la signature du
Chef de l'Etat en vue de la révocation, de la promotion et de la mise à
la retraite des agents de commandement de l'Etat, n'avait pas trouvé
mieux que d'investir les médias, publics et privés, et ce pendant un
mois, pour tenter de convaincre l'opinion nationale du contraire.
Jusqu'au milieu de la semaine dernière, il croyait avoir mis K.O.
syndicats des fonctionnaires et professionnels des médias qui lui
reprochaient son auto-promotion ainsi que celle de plusieurs de ses
collègues ministres encore en fonctions, ainsi que les membres de leurs
cabinets, au rang de Directeurs.
Le plus grand reproche fait à ce membre du gouvernement est l'injection
des dossiers des ministres et vice-ministres en activité dans le lot
des fonctionnaires à promouvoir, sans pour autant justifier une telle
option et en informer correctement la « Très Haute Hiérarchie ». Il y a
aussi la nomination de nouvelles « unités » aux grades de « Chefs de
Division », la mise à la retraite des morts, la révocation de plusieurs
cadres de commandement des ministères dont ils n'ont jamais fait
partie, le rabattement de grades de certains Secrétaires généraux
retraités « honorablement » au grade de Directeurs. Des Directeurs et
Secrétaires généraux mis à la retraite depuis des années se sont
trouvés repris sur des listes des cadres promus et partant
juridiquement autorisés à reprendre du service.
Alors que l'on pensait que Michel Botoro ferait profil bas, au
lendemain de la décision du Chef de l'Etat de faire revisiter ses
ordonnances par une commission mixte Gouvernement-Syndicats des agents
de l'Etat, en vue de donner suite aux doléances des fonctionnaires
lésés, il a persisté à donner des leçons de droit à qui voulait
l'entendre.
Un ministre dans ses petits souliers
Des milliers de téléspectateurs étaient surpris, en fin de semaine
dernière, de voir Botoro subir un interrogatoire serré de la part du
Premier ministre, et ce en présence des syndicalistes de
l'administration publique, pour avoir mis le Chef de l'Etat et le
gouvernement dans une situation fort embarrassante, avec des
propositions de révocation, de promotion et de mise à la retraite
manifestement complaisantes. Penaud comme un écolier n'ayant pas revu
sa leçon la veille, il a passé son temps à bafouiller, ce qui a poussé
les fonctionnaires présents autour de la table de discussion à le
chambrer sans ménagement.
En tout cas, tout le monde a compris une chose : Joseph Kabila et
Adolphe Muzito sont fort mécontents d'un ministre qui a largement
démontré à tous qu'il n'a pas la maîtrise des effectifs de son
ministère ni des critères de leur sanction, positive ou négative. L'on
a noté aussi que la Présidence de la République et la Primature
n'entendent pas endosser la responsabilité des turpitudes du ministre
de la Fonction Publique.
Pourquoi couvrir des gaffes ?
L'on a appris que le MSR (Mouvement Social pour le Renouveau) est sorti
du bois samedi dernier pour se plaindre de ce qu'il considère comme un
exercice visant à humilier publiquement son membre, entendez Michel
Botoro. Ce parti s'étonne que cela vienne du Premier ministre, qui
appartient, comme le ministre de la Fonction Publique, à l'Alliance de
la Majorité Présidentielle (AMP). Selon ce parti politique, le Chef de
l'Etat autant que l'ensemble du gouvernement auraient dû se montrer
solidaires du ministre incriminé, au motif que la responsabilité du «
potopoto » survenu au sein de l'administration publique serait
collective.
Pour nombre d'observateurs, il n'y a pas de raison de « protéger »,
dans le mal, un ministre à qui le Chef de l'Etat et le Premier ministre
ont fait confiance, car censé avoir suffisamment ficelé les dossiers
des fonctionnaires en vue de traduire en actes la « tolérance-zéro » au
sein de l'appareil administratif de l'Etat. Couvrir les gaffes de
Botoro, alors que les revendications des fonctionnaires lésés sont
étayées de preuves irréfutables, serait cautionner le clientélisme, le
favoritisme, la tricherie, l'amateurisme, bref les injustices qu'il
vient commettre à l'endroit des milliers de fonctionnaires loyaux,
compétents, innocents, qui méritaient sinon mieux, en .tout cas, autant
que les ministres et vice-ministres « parachutés » Directeurs.
La culture démocratique aurait dû inciter ce ministre, qui a jeté un
terrible discrédit sur le Chef de l'Etat, de lui présenter d'abord des
excuses publiques pour son travail d'amateur et ensuite rendre le
tablier. En cas de refus de Botoro de démissionner de lui-même, son
parti politique, le MSR, aurait dû retirer le mandat qu'il lui a confié
pour le représenter au sein de l'équipe ministérielle et ainsi, créer
une vacance à combler à la première occasion. Que le MSR se porte au
front pour défendre un ministre qui a perdu le peu de crédit qu'il
avait auprès de la masse des fonctionnaires, cela ne peut que paraître
bizarre. C'est à croire que pour ce parti, la « tolérance-zéro »
devrait épargner les membres de l'AMP présents dans les institutions de
la République et ne frapper que les « Kuluna », les magistrats, les
fonctionnaires, les chauffeurs des taxi-bus, les « Shegués », les «
chailleurs », les chargeurs des parkings, les consommateurs de « Supu
na tolo », etc. Non ! La « tolérance-zéro » devrait s'appliquer à tous,
grands et petits, partenaires ou adversaires politiques du Chef de
l'Etat, de manière invariable.
Source : le Phare /Kinshasa