Les expulsions des ressortissants angolais et congolais vers leur pays d’origine se poursuivent à un rythme inquiétant. Certes, on a déjà envisagé une rencontre entre les responsables des deux pays. Mais la dernière mesure du gouvernement angolais suspendant les vols TAAG, la compagnie nationale aérienne angolaise, vers Kinshasa, prouve à suffisance que la tension est montée d’un cran. C’est l’escalade. Heureusement qui vient de prendre fin avec le séjour d’une importante délégation ministérielle angolaise à Kinshasa.

Un communiqué du ministère angolais des Relations extérieures renseigne que les vols TAAG vers la République démocratique du Congo sont suspendus. Une décision entrée en vigueur depuis le jeudi 8 octobre, en guise de riposte à l’opération de l’expulsion de milliers d’Angolais, souligne ce communiqué.

Pour les autorités angolaises, les expulsions des Angolais de la RDC sont « disproportionnées et excessives ». Bien plus, il s’agirait des Angolais en situation régulière en RDC. Mais par contre, Luanda confirme que les Congolais qui ont été expulsés de l’Angola sont en situation irrégulière et résidaient dans des zones minières où ils s’adonnaient à l’exploitation clandestine du diamant. Pour les autorités angolaises, ces Congolais perturbent l’économie angolaise et portent un coup dur à l’environnement.

En représailles à ces expulsions des Congolais d’Angola, les autorités congolaises avaient pris des mesures de réciprocité, expulsant également de Angolais en situation irrégulière. Mais de part et d’autre, l’on a fait état des traitements inadmissibles infligés aux réfugiés de deux pays.

Ajouter à cela, des déclarations incendiaires tenues par certaines personnalités politiques. Notamment celles proposant la fermeture de la frontière, par une personnalité politique congolaise, et cette accusation contre les responsables congolais d’avoir foulé aux pieds les règles diplomatiques.

KINSHASA PREND ACTE

Alors que l’on s’attendait à ce que les dirigeants de deux pays s’impliquent rapidement pour ramener le calme, Luanda vient de réagir en faisant monter la tension d’un cran avec cette décision interdisant les vols de TAAG vers Kinshasa. « Nous ne connaissons par les motifs de cette suspension indéterminée des vols de cette compagnie commerciale. Nous allons probablement recevoir une communication du gouvernement angolais qui détaille les raisons de cette suspension. Nous attendons probablement la communication du gouvernement angolais avec les détails des identités des ressortissants illégalement expulsés de la RDC. Si ces cas se vérifient, cela fera partie de l’agenda des discussions prévues entre les deux pays. Entre-temps, le gouvernement a pris acte de la suspension des vols de la compagnie aérienne angolaise », a dit le ministre de la Communication et des Médias, Lambert Mende.

Et de préciser : « Le gouvernement congolais n’a pas encore reçu la notification officielle de la décision angolaise sur la suspension des vols de la TAAG. Cette situation n’empêchera pas les deux pays de vivre en bonne intelligence. Une commission mixte RDC-Angola a été mise sur pied pour discuter de la question de ces expulsions mutuelles. Cette commission va se réunir prochainement. D’autres contacts moins formels sont en cours entre les autorités congolaises et angolaises pour une gestion normalisée des relations entre les deux Etats », a indiqué Lambert Mende.

Toutefois, le porte-parole du gouvernement ne croit pas qu’il faille porter le différend au niveau de la SADC : « Il serait irresponsable à ce niveau de porter cette question devant les instances de la SADC [Organisation régionale de développement auxquels appartiennent les deux pays]. Cela reviendrait à donner l’impression que les deux Etats ne croient pas en leurs capacités de gérer cette petite fâcherie au niveau bilatéral », a précisé Lambert Mende.

UNE MAUVAISE NOTE

Quoiqu’il en soit, jamais la RDC et l’Angola n’avaient atteint ce niveau de « fâcherie ». Si cette volonté d’aplanir dans les meilleurs délais le différend anime les deux parties, comme c’est le cas avec le Congo-Brazzaville et le Burundi, les peuples congolais et angolais n’en demanderaient pas mieux.

En effet, les deux pays appartiennent, non pas seulement à la SADC, mais également à la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale, CEEAC, ainsi qu’à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, CIRGL. Pas plus tard que le 24 octobre, le sommet de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale se tiendra à Kinshasa. L’absence du président angolais à cette rencontre sera vivement ressentie et interprétée comme une « grande brouille » entre la RDC et l’Angola.

D’autre part, au niveau de la CIRGL, il existe des projets intégrateurs qui auront un impact visible sur les populations frontalières. Allusion faite au projet de Corridor nord, de la réhabilitation du chemin de fer Dilolo-Lobito. La RDC et l’Angola ont tout intérêt à éteindre les « feux de brousse » capables de ravager la savane ou la forêt. Il demeure à ces deux pays de prouver qu’ils sont capables de relancer le développement de l’Afrique, à commencer par l’Afrique centrale, les Grands Lacs et Australe. Les potentialités énergétiques dont ils disposent, à savoir le pétrole et l’énergie électrique d’Inga sont « deux denrées » tant recherchées par des Etats voisins et lointains.

Ceci dit, ces expulsions ne doivent en aucun cas ouvrir des brèches pour opposer la RDC et l’Angola dans une querelle de leadership dans la région. Ce qui aura des effets d’entraînement négatifs pour tous les pays concernés, au-delà toute l’Afrique.

DES MINISTRES ANGOLAIS A KINSHASA

En dernières minutes, l’on apprend que trois vice-ministres angolais sont arrivés à Kinshasa, porteurs d’un message personnel du président Edouardo dos Santos à son homologue Joseph Kabila Kabange. La délégation est conduite par George Chicoty, vice-ministre des Relations extérieures, accompagné des vice-ministres angolais de la Défense et de l’Intérieur.

Aussitôt arrivés, ils ont été reçus par le vice-ministre congolais des Affaires étrangères, Ignace Gata. Ensuite par le président de la République. Au sortir de l’audience le vice-minbistre angolas des Rélations extérieures a annoncé la fin des expulsions de part et d’autre. Une visite qui tombe juste à propos pour tempérer certaines ardeurs et ramener les deux pays dans la voie de la normalité.

De toute façon, il étéit temps que l’on arrête l’escalade. Pour contrer la stratégie maléfique des « vieux démons » qui ne rêvent qu’à déstabiliser, de façon permanente, cette région.

source : le Potentiel