Matadi: le port fermé
Embrouillamini, cafouillage total à l’ONATRA –Offce national de
transport. Ici, l’Adga Serge Basaula dénonce les mandataires de
PROGOSA, la frme espagnole qui pilote le programme de stabilisation de
l’offce. Là-bas, la ministre du Portefueille, Jeannine Mabunda, tente
de faire main basse sur des propriétés foncières de l’offce, aux
alentours du beach Ngobila, en même temps qu’elle laisse mourir le port
de Matadi pour lequel elle a sorti un projet de réhabilitation évalué
250 millions de dollars contre 52 millions de dollars avancés par la
Banque Mondiale. L’expertise maison propose même moins cher encore avec
un coût de quelques 20 millions de dollars.
En fligrane se profle un complot, plusieurs fois dénoncé, qui consiste
à pousser à l’anéantissement du port de Matadi au proft de
Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville. Le groupe Bolloré serait très
impliqué dans ce plan. En somme, l’ONATRA est tiraillé dans tous les
sens et les agents ne savent plus à quel saint se vouer. Surtout pas à
Mabunda. Cette ministre n’a travaillé que contre les intérêts de
l’office. En janvier dernier, elle avait instruit l’ancien Adg, Pécune
Ponson, de prendre langue avec des investisseurs sud-africains venus
avec un projet dénommé «Water Front» à Kinshasa. Ce projet porte sur la
construction d’un vaste complexe hôtelier aux abords du feuve Congo.
Sur place, Ponson apprendra que s’il est là, c’est parce la ministre a
offert aux Sudaf’s tout le site ONATRA qui cerne le beach Ngobila,
depuis le restaurant Baobab sur l’avenue Wagenia jusque plus loin à la
lisière des installations de Sep-Congo. Le banc syndical en a eu vent
et dénonce cette tentative de spoliation dans une correspondance
adressée à la Direction générale, fn octobre dernier (Lire fac similé
en page 4). Voilà la même Mabunda, auteur d’un SMS controversé aux
mandataires de l’ONATRA que «CONGONEWS» a capté dans son intégralité
(Lire fac-similé en page 3). Le texto a été expédié mi-octobre dernier.
Il trahit la moralité de la ministre. Celle-ci demande aux
administrateurs de l’ONATRA d’«explorer d’autres partenariats,
notamment fnanciers (même non classiques)». Partenaires non-classiques,
donc même des fonds à traçabilité douteuse, blanchiment et tout le
reste maffeux dedans. Tout ce qui importe pour Mabunda, c’est de réunir
250 millions de dollars. Une somme jugée onéreuse là où les autres
études sur la réhabilitation du port de Matadi dépassent à peine les 50
millions de dollars. Le même SMS exclut les syndicats de la démarche là
où il dit «il faudra réunir les 250 mm de Matadi sans eux». La question
de la réhabilitation du port de Matadi avait justifé le déplacement
d’une délégation gouvernementale, il y a quelques mois, avec Athanase
Matenda à sa tête. Qu’est-ce qu’il n’a pas été surpris, le ministre des
Finances, d’apprendre des experts de l’office qu’avec 24 millions au
plus, ou 14 millions de dollars au moins, les quatre quais désaffectés
de Matadi sur les dix peuvent redevenir opérationnels. Ces experts ont
expliqué qu’il n’y a qu’à utiliser du matériau maison. L’ONATRA dispose
des poutrelles stockées à Lufutoto, il produit des caillasses à
Kiasikalo, du sable à Luila. Ses propres rails et traverses usés et
récupérés sont susceptibles d’être utilisés comme fer à béton dans le
bétonnage. Avec tous ces in-put disponibles, il ne faudra à l’ONATRA
que 14 millions de dollars pour réhabiliter les quatre quais si les
travaux sont exécutés par l’offce et 24 millions de dollars s’ils sont
confés à une entreprise tierce. Matenda a été séduit par cette
démonstration et a demandé au ministre des Transports de faire le
reste. Matthieu Mpita a instruit mais Mabunda et ses protégés de
Progoza n’ont pas daigné exécuter. A partir de là, la récente
nomination controversée d’un délégué de Progosa comme directeur du
Département des ports maritimes de l’ONATRA s’explique. «Si Bernard
Mathelin a été nommé comme directeur des ports maritimes, c’est pour
placer directement le port de Matadi sous le contrôle de Progosa. Ainsi
Mabunda pourra accomplir son plan de restauration onéreux. Au pire des
cas, le port sera paralysé au proft de Pointe-Noire avec l’idée de
relancer le projet Pont-route-rail sur le fleuve Congo», dénoncent des
délégués syndicaux de l’ONATRA. Ces délégués suspectent Mabunda. Même
quand elle soutient une position pro-ONATRA dans son texto – notament
là où elle parle de contrer la menace (ndlr: l’anéantissement de Matadi
au proft de Pointe-Noire)-, ces syndicalistes parlent d’un calcul au
détriment de l’offce. «Si elle se bat, c’est pour son projet de 250
millions de dollars que Progoza seule soutient», accusent les
activistes de l’offce. Ces derniers ont bien reçu la nomination d’un
nouveau mandataire de Progoza comme ADG. Seulement, ils lui demandent
de présenter un plan d’actions pour le semestre qui court encore dans
le cadre du partenariat ONATRA-Progosa. Si Georges Raymond ne le fait
pas, il faudra s’attendre à des remous sociaux à partir de la fin de
cette semaine. Une tension couve déjà sur la perspective de la
prolongation d’un partenariat sur lequel le Premier ministre, Adolphe
Muzito, avait demandé une évaluation étouffée par la ministre du
Portefeuille. Si cette évaluation avait été réalisée, elle aurait
démontré comment Progoza a ruiné l’ONATRA rien que pour une expertise
sans aucun apport fnancier.
Depuis la conclusion du programme de stabilisation, le chemin de fer a
été quasiment abandonné. Il ne reste plus que trois à quatre
locomotives en activités. Le tonnage a chuté de 20.000 à 3.000 tonnes.
Ce qui fait que l’ONATRA tire aujourd’hui plus de 90 pc de ses recettes
des ports de Matadi et Boma. Les agents avaient espéré qu’avec les 10
millions de dollars de crédits obtenus auprès de la BIAC -Banque
internationale pour l’Afrique au Congo- Progoza allait investir dans la
relance des activités ferroviaires. Nenni. Il n’y a eu que 220.000
dollars affectés à l’investissement, notamment pour l’informatisation
du système de gestion. Pourtant à l’époque, une frme canadienne avait
proposé à l’ONATRA de lui livrer quatre locomotives pour 1,5 millions
d’acompte, quitte à payer le solde par la suite pour un montant total
de 10 millions de dollars et cela à raison de 2,5 millions de dollars
par locomotive. Progoza avait décliné l’offre.
Imaginez qu’une locomotive est capable de tracter vingt rames à 100.000
dollars la rame. Cela fait 600 tonnes transportées par rame. A
multiplier par 20, on est à 12.000 tonnes par voyage. Quand on sait que
la tonne transportée rapporte 50 dollars, il y a plus d’un million de
dollars à encaisser par voyage.
Allez-y savoir combien des voyages sont possibles le mois pour estimer
le potentiel recettes à réaliser grâce à cette activité. «Progoza n’en
a pas voulu parce qu’elle travaille à la ruine de l’ONATRA pour amener
à la cession de l’offce à des privés à vil prix. Une entreprise
s’endette pour investir. Comment expliquer que le crédit obtenu de la
BIAC n’ait servi qu’à couvrir les charges», s’interrogent les délégués
syndicaux de l’offce.
Source : MTN