Dongo : spectacle désolant d’une cité déserte
Un calme règne dans la cité de Dongo désertée par sa population. Le constat a été fait la semaine dernière dans cette cité par une délégation gouvernementale conduite par le ministre de l’Intérieur, Célestin Mbuyu. Samedi, une mission conjointe de la Monuc s’est rendue dans cette localité du territoire de Kungu, district de Sud Ubangi, à l’Equateur. De nombreuses personnes déplacées dans les localités environnantes et des milliers de réfugiés installés au Congo Brazzaville refusent de retourner chez eux par peur
Samedi
lorsque les membres de la mission onusienne arrivent à Dongo. Ils sont
aussitôt accueillis par l’Inspecteur général adjoint de la police
nationale congolaise, le général Benjamin Alongaboni s’entretient
pendant un bref moment avec la délégation avant le tour de la cité. Il
replace les faits ayant conduit aux affrontements du 30 octobre dans
leur contexte. « Tout a commencé dans la nuit du 28 au 29 octobre
lorsque le féticheur dénommé Udjani et sa bande ont quitté leur village
Enyele et se sont rendus à Kombe vers Gemena. Objectif : faire des
incantations pour fructifier les étangs piscicoles. Contrairement à ce
qu’ils avaient annoncé, ils ont attaqué tous les non originaires
installés à Dongo. La police est intervenue et des affrontements s’en
sont suivis avec la police. Nous avons reçu l’ordre de notre hiérarchie
de venir ici pour rétablir la sécurité. Nous n’avons pas connu des
résistances sinon vers Kombe. Des jeunes gens armés des couteaux ont
tenté de s'opposer à nous. Nous les avons rapidement désarmés. Ce
groupe d’inciviques continuent à semer un peu de désordre vers Imese », a expliqué le général Benjamin Alongaboni.
Dans
les rues, Dongo ressemble à une véritable cité fantôme. Des cases
incendiées, le marché de la cité de Dongo complètement saccagé, des
meubles brisés et des champs dévastés. Des cadavres en putréfaction
jonchent le sol, dégageant une odeur pestilentielle. Au marché, les
restes d’un homme gît dans des cendres. Le spectacle qui accueille les
membres de la mission onusienne est simplement insoutenable. Non loin
d’un buisson, un homme de grand gabarit est allongé, inanimé, le visage
emporté par des chiens errants. La présence la plus importante à Dongo
est celle des policiers d’intervention rapide et des militaires de la
Monuc. Ils assurent la sécurité de la localité ou plutôt ce qu’il en
reste. La population civile est rare. Elle s’est refugiée de l’autre
côté du fleuve Congo ou dans les localités voisines de Dongo. Quelques
téméraires reviennent dans la cité, la peur au ventre. Ils sont en
quête d’un peu de nourriture et des quelques biens abandonnés pour
retourner aussitôt dans leurs localités d’accueil au Congo-Brazzaville.
Le général Alongaboni rejette la thèse avancée de simples
conflits intercommunautaires. Il évoque plutôt celle d'une épuration
ethnique : « Si c’était un conflit opposant les Lobala et les
Bomboma, il devait s’arrêter à ces seules ethnies. Mais les commerçants
nande, mbuza, ngombe, et ngbaka ont été attaqués aussi. C’est une
question de haine raciale, de jalousie. Une épuration ethnique ».
Les non originaires de Dongo et certains Lobala modérés n’ayant pas
participé à ces crimes ont trouvé refuge au Congo-Brazzaville.
L’Inspecteur général adjoint de la police a déclaré à la délégation
onusienne qu’il y avait plusieurs corps en putréfaction avancée dans la
cité. Il a aussi déclaré qu’il y aurait 26 agents de la police portés
disparus avant la reprise de la cité par la police d’intervention
rapide.
Une dame, la cinquantaine approchant, portant un
T-shirt décolorié et transparent par l’usure ne s’est pas fait prier
pour livrer son témoignage : « Nous souffrons énormément au
Congo-Brazzaville. Nous n’avons pas de nourriture. Nous dormons à la
belle étoile, endurant des nuits froides et pluvieuses. Nombreux sont
venus de Kinshasa pour faire leur commerce à Dongo. La cité commençait
à prospérer, voilà qu’on a tout détruit à présent. Beaucoup de
nourrissons ont perdu la vie. ».
Les villageois ont présenté à la délégation onusienne un homme désigné comme le tueur de son propre enfant. « Nous
étions à Dongo lorsque Udjani et sa bande sont passés par ici en
direction de Kombe. Ensuite, nous avons appris qu’ils revenaient
attaquer la cité. J’avais mon enfant de deux ans et demi. Ne sachant
pas m’enfuir avec lui à cause de mon intervention d’appendicite, je
l’ai achevé avec un morceau de bois à la tête. »
Le
ministre de l’Intérieur, Célestin Mbuyu, a lancé un appel au retour à
tous les réfugiés et déplacés. Un appel qui risque de ne pas être
entendu par les rescapés toujours sous le choc des violences vécues.
Udjani et sa bande courent toujours dans la nature. Leur arrestation et
leur déferrement devant la justice pourra peut-être rassurer la
vingtaine des milliers des personnes jetées dans la rue afin qu'elles
reviennent chez elles.
source : okapi