Il y eut un certain 24 novembre 1965 le deuxième coup d’Etat de Mobutu…, et après ?
Pour l’ex-République du Zaïre, vaste territoire que le destin a
coincé entre neuf pays au cœur du continent africain, le 24 novembre a
été trente-deux années durant une date-événement qui a connu la
célébration avec un faste inouï la confiscation du pouvoir d’Etat par un
homme, l’instauration d’une République de copains ayant fini par
conduire ce pays à sa ruine. Qu’en reste-t-il aujourd’hui douze ans
après, un triste passé à enterrer en en tirant la leçon de l’histoire !
Le dépeçage du continent africain par les
puissances occidentales lors de la Conférence de Berlin en 1885 avait
établi les règles de l’occupation coloniale en confiant à la Belgique
via son monarque Léopold II un droit de propriété sur le Congo. De pays
deviendra plus tard successivement Etat indépendant du Congo, Congo
belge puis, au fil des ans et en alternance depuis cinquante ans,
République démocratique du Congo d’abord, République du Zaïre par la
suite et enfin République démocratique du Congo retrouvée de nouveau.
Ce bref détour à travers les vicissitudes de l’histoire nous apprend
donc qu’en 1876, le roi des Belges, Léopold II, qui rêvait d’un empire
en Afrique créa l’Association internationale du Congo (AIC). Adopté en
I883, ce nom a cédé la place, en 1884-1885 à l’Etat indépendant du Congo
(EIC) que la Couronne royale belge finit de transformer en colonie
belge.
Cours de l’histoire bifurqué en 1960 !
A cette époque lorsque souffle le vent des indépendances africaines, le
colonisateur belge débraye. On eut souhaité que cela se fasse sans
atermoiement, certes mais sans précipitation non plus, nonobstant
vociférations logomachiques et laisse le pays accéder à la souveraineté
nationale et internationale : le Congo refermera ainsi la énième page
d’une histoire qui plonge ses racines dans les ténébreuses périodes des
méandres des époques ancestrales.
C’est une douloureuse parturition qui accouche le 30 juin 1960 de la
Première République démocratique du Congo dont la classe politique est à
cette époque composée pour la plupart de nationalistes et de patriotes
de la première heure.
Le pays se trouve alors au rendez-vous de son histoire. Et cette
histoire, ce sont ses propres fils qui doivent l’écrire. Cette Première
République s’ouvre sous les auspices de la démocratie, puisque ses
enfants élisent leurs représentants au Parlement. Mais cette parenthèse
démocratique sera un feu de paille, Moins de trois mois après la mise en
branle des institutions démocratiquement élues, Joseph Désiré Mobutu,
colonel de son état a vite fait de prendre fait et cause pour le chef de
l’Etat Joseph Kasavubu dans le conflit politique l’opposant à son
Premier ministre Patrice Lumumba. Celui-ci sera alors écarté du pouvoir,
arrêté et acheminé à Lubumbashi où il terminera ses jours.
Trois années plus tard, le même Mobutu, qui a pris goût au pouvoir
déposera Joseph Kasavubu dans uns un coup d’Etat de palais concocté e
perpétré par le Haut-commandement de l’armée un certain 24 novembre
1964 : il s’était ouvert alors ce jour-là une longue page d’histoire qui
a duré trente-deux ans.
De République démocratique du Congo, le pays s’est mué en République du
Zaïre : les libertés fondamentales ont été mises sous l’éteignoir, les
partis politiques contraintes de ne faire qu’un dans un moule qui les a
coulés en parti-Etat selon « la pensée et les enseignements du Guide de
la Révolution », nous avons cité en le paraphrasant : Mobutu Sese Seko
en personne.
Politiquement, la restriction des libertés fondamentales (d’association,
d’expression et d’opinion) a été, avec la zaïrianisation sur le plan
économique, les premières entames de la fantastique cavalcade qui, trois
décennies durant,ont fait le lit de la criminalisation de l’économie
nationale avec son principal corollaire sa dollarisation, de l’impunité
qui a acquis des proportions telles qu’il s’en est effrayé. Mobutu s’est
écrié un jour au cours d’un de ces meetings populaires dont il avait le
secret : « Volez, mais de grâce n’exagérez pas » !
Dans cette République des copains, ce n’était qu’un prêche dans le
désert. Comment pouvait-on ne plus confondre les biens de l’Etat avec
les leurs propres dès lors que tout partait de l’entourage présidentiel
et transitait par la Primature, le gouvernorat de la Banque centrale,
les cabinets ministériels, les PDG des entreprises publiques :
d’inextricables réseaux mafieux opérant souterrainement ont créé des
satrapes puissants qui ont vécu au-dessus de leurs moyens, entretenant
des kyrielles de foyers illégitimes à travers la cité.
La vie n’a jamais été aussi belle et facile pour la caste des
privilégiés du régime sous cette République-là, et, pendant ce temps, le
pays se dégradait petit à petit, la population, qui ne trouvait dans
ces fastes des gens du pouvoir que des miettes, a vécu dans l’attente
des mannes célestes. Mais les Ecritures saintes n’en ont pas prévu de
nouvelles. Oh ! si, puisque le régime moribond à partir des années 1990 a
poussé la population à retrouver ses illusoires comptes dans les deux
pillages qui se suivront, en 1990 et en 1993. Pour les dirigeants de ce
pays de cocagne, que dire, sinon qu’ils ont poussé le cynisme à son
paroxysme !
Tout le tissu économique national détruit, le peuple réduit au chômage :
les portails de la misère ne se sont jamais ouverts aussi grands :
c’est l’affolante poursuite d’une descente aux enfers qui n’en finit
plus.
Des leçons à tirer du machiavélique feuilleton ouvert le 24
novembre 1965 ?
Le rétablissement de l’exercice démocratique est la première leçon que
la classe politique devrait tirer, non sans reconnaître en toute
honnêteté que si un certain Joseph Kabila Kabange ne s’était pas
impliqué pour faciliter la réconciliation nationale à partir d’un
salutaire dialogue intercongolais, il se serait envolée toute visibilité
de refonte du pays.
La seconde leçon et non la moindre est qu’avec la fin de la Deuxième
République est également enterrée le temps des coups d’Etats et celui
des « hommes seuls ». Ceux qui risquent de s’aventurer sur ces sentiers
se fourvoieront.
En effet, par ces temps de la restauration de la démocratie dans ce
pays, il ne devrait plus venir à l’idée de toutes les personnes détenant
une parcelle d’autorité, si minime fût-elle, de penser qu’à force de
regarder son nombril, elles peuvent croire qu’elles se situent au centre
de la planète Terre.
La leçon vaut son pesant d’or. Joseph Kabila en donne pleinement le
tempo, lui qui laisse les institutions du pays jouer pleinement leur
rôle sans interférence, et qui invite ses compatriotes à prendre en main
le destin de leur pays. On est bien loin de cette époque où toutes les
directives devant assurer la marche du pays partaient de Mont-Ngaliema,
« selon la pensée et les enseignements du Guide ». On en est bien loin !
Et nul de doit non plus penser, comme ceux de la cour à cette époque,
que le Chef se complait dans ces distractions de bas étage qui retardent
l’élan de la reconstruction nationale bien prise aujourd’hui, contre
vents et marrées.
Il appartient par conséquent aux responsables de ces institutions de ne
pas tomber dans les travers de leurs collègues de la Deuxième
République. Mobutu est parti. Il ne faut pas que subsiste dans les
mentalités publiques de tout un chacun nanti d’un mandat quelconque de
croire qu’à lui tout seul, il est capable de tout et de résoudre seul
les problèmes de la société congolaise en quête de son bien-être. C’est
de la conjugaison des efforts bien canalisés que viendra désormais le
salut.