KINSHASA (AFP) — Mortiers et mitrailleuses lourdes ont tonné toute la semaine au Nord-Kivu entre soldats loyalistes et insurgés, auxquels Kinshasa a donné jusqu'au 15 octobre pour démobiliser avant une nouvelle offensive dans cette région de l'est de la République démocratique du Congo. Les Forces armées congolaises (FARDC), dont quelque 15.000 hommes sont déployés au Nord-Kivu, ont progressé sur le terrain où les troupes ralliées au général déchu tutsi congolais Laurent Nkunda ont perdu plusieurs localités dans le territoire de Masisi, au nord-ouest de la capitale provinciale Goma. Samedi, un calme précaire régnait dans la région, en dépit de quelques tirs sporadiques aux abords de Mushake, localité proche de Goma, toujours fermement tenue par les nkundistes, selon la Mission de l'ONU en RDC (Monuc). Foyer de rébellions ayant déjà plongé à deux reprises le pays dans la guerre (1996-97 et 1998-2003), le Nord-Kivu est depuis fin août le théâtre d'affrontements entre armée régulière et soldats insurgés, environ 5.000, ralliés à Nkunda. Ce Tutsi congolais natif du Nord-Kivu, qui fut membre de l'armée rwandaise, accuse les FARDC de pactiser avec des rebelles hutus rwandais génocidaires, stationnés dans l'est congolais depuis la fin du génocide rwandais de 1994, essentiellement dirigé contre la minorité tutsie. Lundi, Nkunda a annoncé la rupture d'une trêve instaurée le 6 septembre sous forte pression de la Monuc. Mais après d'intenses combats et la chute de Karuba, à une quarantaine de km de Goma, l'officier fait volte-face. Il a appelé mercredi soir à un "cessez-le-feu" pour éviter un "massacre" de civils se disant prêt à envoyer 500 hommes dans des camps de transit en vue de leur démobilisation. Si l'armée congolaise peut revendiquer une victoire à Karuba, où elle affirme avoir tué 85 insurgés après deux jours de bombardement au mortier, des sources diplomatiques affirment que Nkunda "a subi de lourdes pressions, notamment américaines", pour cesser les hostilités et commencer à démobiliser ses troupes, en échange d'un exil confortable dans une villa du Cap (Afrique du Sud). Kinshasa, qui veut pousser son avantage sur le terrain, "prend acte" de l'appel au cessez-le-feu, mais continue à renforcer ses troupes, avec le soutien logistique de Casques bleus. Le ministre de la Défense, Diemu Chikez, comme le commandant des FARDC au Nord-Kivu, le général Vainqueur Mayala, ont réitéré un ultimatum lancé en septembre, donnant jusqu'au 15 octobre aux troupes dissidentes pour se rendre avant le lancement d'une vaste offensive. Mais les FARDC échouent à prendre Mushake, tenu par près d'un millier d'insurgés, et ne parviennent pas à ouvrir la route de Kilolirwe et Kitchanga, bastions nkundistes situés à plus de 30 km au nord dans une zone montagneuse. Les derniers combats ont entraîné le déplacement de centaines de civils, dont des Tutsis congolais qui craignent des représailles des forces gouvernementales. Les agences humanitaires de l'ONU ont mis en garde contre une nouvelle "catastrophe humanitaire" au Nord-Kivu, où plus de 370.000 déplacés internes ont été recensés depuis fin 2006, et appelé les belligérants à "s'abstenir de recruter des enfants" et à "respecter" le droit humanitaire international. Le président de RDC Joseph Kabila voudrait voir "au moins tomber Mushake" avant son voyage prévu le 26 octobre aux Etats-Unis, affirme un expert occidental. Mais cette source estime que les soldats des FARDC, nombreux mais mal organisés, n'ont "pas les moyens" d'une "fuite en avant" à l'assaut du bastion nkundiste de Kitchanga, qui se solderait "probablement" par un échec militaire et risquerait d'entraîner de lourdes pertes civiles. Source : AFP