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VIGILANCE RDC
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26 janvier 2008

Kinshasa : enterrer les morts ruine les vivants

Morgue de l’hôpital général de Kinshasa, ce dimanche du mois de janvier. Des femmes terrassées par la douleur se roulent par terre, pleurant en sanglots, tandis que d’autres membres de famille, des fleurs artificielles en mains, essayent de contenir leur émotion en essuyant les larmes qui leur coulent des yeux. Sous l’abri où sont postés ceux qui attendent la sortie du corps, Louise, une sexagénaire qui vient de perdre sa fille de 16 ans, est inconsolable. Le regard tourné vers le ciel comme implorant un secours divin, elle crie son désespoir: ″Sophie, ma fille, nous n’avions déjà pas de quoi te faire soigner ! Comment allons-nous faire pour payer la morgue, organiser ton deuil et t’enterrer de façon décente ?″
La douleur de cette femme éplorée est immense. Car, elle sait qu’enterrer un mort aujourd’hui à Kinshasa n’est pas une mince affaire. Les premières dépenses commencent ici, au retrait de la dépouille mortelle. A la morgue, il faut honorer toute une série de frais : 2000 Fc (3,8 $) par jour de conservation du corps au frigo, 10 $ pour le certificat de décès, 10 $ pour les agents, autant pour laver le corps… La dépouille doit ensuite être embaumé et habillée chic. Un adjudant de police dit avoir dépensé 150 $ pour l’achat d’un pantalon noir, d’une chemise blanche avec cravate, des chaussettes, gants…
Le plus dur reste cependant à faire. Il faut acheter un cercueil, louer un corbillard, une chapelle ardente de préférence avec tapis rouge, catafalque, tentes, chaises, acheter des gerbes de fleurs, louer une fanfare lorsque ce n’est pas un orchestre réputé… "Nous fournissons une chapelle quatre piquets, la décoration qui va avec, le catafalque, plus deux tentes, deux cents chaises et une caméra pour le reportage à 800 $″, avance Jean Ekila, propriétaire d’une entreprise de pompes funèbres.
Selon un préposé à la morgue de l'Hôpital général de Kinshasa, tous les mois, un à deux corps des indigents dont les proches ne peuvent supporter la panoplie des dépenses mortuaires sont ainsi abandonnés. Le service social de l'Hôtel de ville avec l'aide de la Croix rouge se charge alors de les porter en terre.

Une occasion pour exhiber sa fortune
Déjà, au sortir de l’hôpital général, des pompes funèbres s’arrachent la clientèle. Selon qu’on veut enterrer son mort dans un cercueil en bois rare finement travaillé ou pas, celui-ci peut coûter les yeux de la tête. Entre 180 et 1000 $. Le corbillard, du camion à la limousine, n’est pas donné non plus : 50 $ pour le plus modeste, jusqu’à 200 pour le modèle de luxe. Du plus simple au plus décoré, une chapelle ardente coûte entre 15 et 1000 $...
Dans les quartiers de la capitale où les rues sont étroites et les parcelles peu espacées, le corps est exposé pour les derniers hommages dans une salle de fête ou sur un terrain de foot, ″loué entre 200 et 350 $″, selon Vieux Paul, gérant d’une salle dans la commune de Kalamu. En outre, les membres de famille, les proches du disparu se font confectionner des uniformes en pagne pour être bien mis… Les cérémonies funéraires prennent alors une allure de grosse fête qu’il faut, pour obéir à la mode, ″à tout prix réussir″
C’est au début des années 90 qu’enterrer un mort avec pompe est devenu presqu'une tradition à laquelle trop peu de familles se dérobent. Et même une affaire de gros sous, explique Mathurin Mvuemba, un enseignant natif de Kinshasa. ″Avant, le deuil se passait dans le recueillement, se souvient-il. Les morts étaient enterrés un jour ou deux jours après leur décès.″ Louis Ifondo, un vieux septuagénaire, pense que si l’on dépense aujourd’hui tant d’argent pour un enterrement, c’est parce que les gens ont fait de la mort une occasion d'exhiber leurs moyens. Exactement comme lors des naissances ou des mariages. ″A la place du deuil, on organise des cérémonies jubilatoires. Même des familles pauvres dépensent beaucoup d’argent, alors que 200 $ auraient suffi pour les soins de la personne pendant qu’elle était encore en vie !″, regrette cet homme.

A chacun sa fortune
Pourtant, en République démocratique du Congo, le revenu moyen des familles ne dépasse guère 100 $ par mois. Se saigner à blanc pour s’offrir des funérailles de luxe ne peut donc qu’étonner. ″Pour les familles fortunées, ces dépenses importent peu. Ils viennent avec leur liste et paient cash″, témoigne Jean-Pierre Kanza, gérant de Congo Funèbres Générales. Chez les moins nanties, c’est la solidarité au sein de la famille, la générosité des voisins et des connaissances qui jouent. Mais d’autres s’endettent auprès des pompes funèbres, ou chez des usuriers. ″Quand ils s’endettent en nature (cercueil, corbillard, croix…), c’est de l’argent comptant qu’ils empruntent″, explique Willy Kabuiku, un usurier qui accorde des prêts avec 50% de taux d’intérêt.
Les jours qui suivent l’enterrement sont tout aussi difficiles à vivre. Déjà suffisamment ruinées, les familles éprouvées par la perte d’un de leurs doivent observer une période de 40 jours de deuil. Des proches restent encore là pendant quelques jours pour les consoler. Les dépenses se poursuivent, jusqu’au jour où le deuil sera définitivement levé…

Source : Syfia

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