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VIGILANCE RDC
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25 février 2008

Au Congo, une ONG suisse amène la justice au village

Au Sud Kivu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), Vivere organise des procès dans des régions reculées pour permettre aux victimes de tortures et de violences sexuelles de retrouver justice.

Une façon pour cette ONG lausannoise, dirigée par Mike Hoffman, de lutter concrètement contre l'impunité.

En cette matinée de décembre, une grande foule se presse autour de la place centrale de Baraka, dans le Sud Kivu. La journée est historique : pour la première fois, sur ces hauts plateaux à trois jours de piste de la capitale régionale, Bukavu, des militaires suspectés des pires exactions vont être jugés par un tribunal.

En République démocratique du Congo, près de 4 millions de personnes sont mortes en six ans et des dizaines de milliers de civils sont victimes de tortures, de violences sexuelles et de rapts. Dans 99% des cas, les responsables sont des militaires qui restent presque toujours impunis.

Mais aujourd'hui c'est le tribunal militaire in corpore qui a fait le déplacement de Baraka pour cet exceptionnel procès de brousse.

Pas d'exécutions capitales

«Depuis 2006, nous avons organisé trois Chambres foraines et la prochaine est prévue dans quelques jours», nous explique Mike Hoffman, président de Vivere, petite association lausannoise à l'origine de l'initiative.

«A ce jour, une vingtaine de militaires ont été jugés et condamnés à des peines allant jusqu'à vingt ans de prison.» Même si la peine capitale est prévue par le code pénal militaire congolais, une entente a été conclue avec les autorités pour qu'aucune condamnation à mort ne soit instruite lors des opérations soutenues par Vivere.

La plupart des prévenus sont des multirécidivistes qui faisaient régner la terreur dans toute la région. «Aujourd'hui, ça commence à changer», se réjouit Hoffman.

Le déclassement de maîtres sanguinaires

Ce militant de long date, ancien collaborateur de Terre des Hommes, en est convaincu : juger les suspects là-même où ils auraient commis les crimes sert à lutter contre l'impunité. Preuve que même dans les zones les plus reculées personne n'échappe à la justice.

Et à l'entendre l'impact est spectaculaire: «C'est impressionnant de voir 300 personnes se passionner deux jours durant pour les délibérations de la cour, d'autant que les criminels sont souvent connus. Pour la population, c'est le déclassement de maîtres sanguinaires».

Selon lui, la donne est en train de changer dans la région et même les militants de son association partenaire sur le terrain osent plus s'affirmer face aux militaires. Pour preuve, il évoque le cas d'une fille de quatorze ans enlevée par un militaire qui en avait fait son esclave sexuelle.

«Nous sommes allés la chercher directement chez lui et l'avons ramenée à ses parents, sans nous laisser impressionner par ses intimidations. » Car les autorités, même civiles, commencent à comprendre qu'elles ne sont pas au-dessus des lois.

«J'ai été accosté par le comandant de police responsable de toute la région qui m'a avoué à demi-mot que ses hommes aussi, de temps en temps, commettent peut-être des bavures. Pour les prévenir, nous avons conçu ensemble un programme de formation aux droits de l'homme pour les policiers, qui va se tenir fin mars. »

Des coûts dérisoires

Pour effectuer ce travail pionnier, Vivere s'appuie sur l'UCPDHO, une minuscule ONG locale dirigée par un avocat, Samy Mukombozi, qui négocie avec les juges militaires, les procureurs et les magistrats. Ce qui n'est pas une mince affaire, car ceux-ci sont souvent réticents à faire un déplacement aussi long et craignent pour leur sécurité.

Quant aux avocats de la défense, Vivere met un point d'honneur à payer leurs frais, «sinon personne ne voudrait défendre les criminels, qui se verraient commettre un avocat d'office, souvent de piètre motivation.»

Justement, combien coûtent ces opérations? «1800 US$. Notre intention est d'organiser quatre Chambres foraines par an, mais nous n'y sommes pas arrivés faute de moyens financiers.» Malgré un coût si dérisoire? Mike Hoffmann fait remarquer que Vivere - petite association créée en 1999, forte de cinq personnes actives et d'une cinquantaine de membres cotisants – ne compte que sur les dons du public.

«La première Chambre foraine, un de nos membres l'a financée de sa poche. Pour la deuxième, nous avons puisé dans les fonds de l'association et pour la troisième et quatrième nous avons reçu le soutien d'une ONG amie. Nous manquons d'argent, mais aussi de forces humaines, car tous les militants ont un travail et s'engagent pour l'association pendant leur temps libre.»

Leçons de pugnacité

Les Chambres foraines sont la composante juridique d'une action de plus grande envergure menée par Vivere en RDC, où l'association soutient une dizaine de maisons d'accueil pour femmes victimes de violences sexuelles.

Elles y reçoivent des soins médicaux et psychologiques et peuvent passer des tests de dépistage pour les maladies sexuellement transmissibles. De belles leçons de pugnacité qui ont valu à Vivere le Prix d'Etat des droits de l'homme 2007 de la République française.

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