Muzito entre deux feux
Le Premier ministre va-t-il débarrasser le plancher?
Juste au moment où le Premier ministre Adolphe Muzito venait de déposer
son projet de budget 2010 au bureau de l'Assemble nationale, entre les
mains Président Evariste Boshab entouré de ses collaborateurs, le même
bureau de la chambre basse exhumait la motion de défiance du député
Clément Kanku, mise en souffrance depuis la session de mars dernier,
contre le chef du gouvernement. Le projet de budget et la motion de
défiance sont deux questions distinctes qui vont susciter les débats
orageux et passionnés.
Comment les députés nationaux vont—ils s'y prendre?
Comment le Premier ministre,pris entre deux feux, va—t—il s'en tirer ?
Les deux questions de nature à converger finalement vers une même
réalité, c'est le départ du cabinet actuel au cas où son sort serait
déjà décrété d'en haut. On peut rejeter le projet de budget sous
prétexte qu'il serait mal ficelé, ce qui entraînerait le congédiement
du gouvernement.
Le vote majoritaire en faveur de la motion de défiance, conduirait
également au même résultat. Telles sont les hypothèses qu'on peut
dégager d'avance de ces deux questions à l'ordre du jour à l'Assemblée
nationale au début de cette session de septembre.
Toutefois, que le cabinet Muzito soit renversé ou pas, c'est toujours
un non événement. Le problème c'est le système lui même tout entier,
qui s'est forgé ses propres normes d'exercice du pouvoir et de gestion
des affaires de l'Etat. Muzito et ses collaborateurs ministres ont
leurs faiblesses, c'est indiscutable. Mais il ne faut pas oublier
qu'ils se meuvent dans un univers où les vices font place aux vertus.
Le pouvoir n'en disconvient pas. La lutte contre la corruption et
l'impunité, la fin de la récréation et la tolérance zéro, tous ces
concepts qui ont retenti des discours officiels impliquent qu'on a
conscience ties tares qui rongent la société. En conséquence, les
déficiences supposées ou avérées de Muzito et de ses ministres ne
peuvent être la cause fondamentale du renversement éventuel de l'équipe.
Il doit y avoir des impératifs politiques sous—jacents. Lorsque
certains ministres grand gabarit, membres influents de la coterie :
résidentielle, élèvent la voix hautement pour dénoncer l'immobilisme du
pouvoir et son incapacité de répondre aux attentes c peuple en rapport
avec les promesses faites lors de la campagne électorale, c'est signe
que les dés sont déjà jetés pour ce gouvernement. Ils estiment que la
coalition, vue sous sa configuration originelle, est désormais dépassée
et devrait être restructurée autrement.
Apparemment, il n'est pas normal de faire tomber un gouvernement au
moment il doit défendre son budget devant le parlement. Une objection
fondée dans un de droit où les principes classique de fonctionnement
harmonieux les institutions sont respectées.
Nous sommes un pays de contrastes, de paradoxes et contradictions.
D'ailleurs, de puis la mise en place des institutions et leurs
animateurs issus du processus éléctoral de 2006, avons-nous seulement
souvenance d'un budget quelconque voté par le parlement et qui a été
exécuté par le gouvernement ? Mais on continue d'en voter d'autres pour
la forme Le renvoi du gouvernement dans ce système ne peut être la
conséquence du rejet d'un projet de budget ni de l'adoption d'une
motion de défiance quelconque, à moins que ces mécanismes soient les
travaux d'approche orchestrés discrètement par le leadership suprême du
cartel gouvernant. Reste néanmoins à savoir si l'heure d'actionner ces
mécanismes a sonné. Si tel n'est pas le cas, rien ne va empocher Muzito
de dormir. L'opposition fera beaucoup de tapage, dira pis que pendre du
Premier ministre; son budget sera dénigré et tourné en dérision. Mais
en fin de compte, la majorité lui sauvera la mise, selon la consigne
qui lui aura été transmise de la part de qui de droit.
La coalition originelle a fait son temps
Il est vrai que le sommet du pouvoir a pris certains engagements
politiques auxquels il ne peut se permettre de manquer, notamment
vis-à-vis des révolutionnaires de palais du CNDP qui se sont en
apparence débarrassés de L. Nkunda et lui ont fait allégeance. Des
éléments de leurs rangs sont déjà intégrés dans des structures
militaires et sécuritaires. Ils n'attendent plus que leur entrée dans
le gouvernement.
Cela soulève une nouvelle donne comme le CNDP n'est pas partie
intégrante de la coalition au pouvoir. Il serait alors question de
modifier la configuration initiale de cette coalition, avec
l'apparition de nouveaux alliés extra—processus électoral. Ce cartel
détenteur de pouvoir a pratiquement cessé d'être solidaire et cohérent
qu'il était au départ. Ses membres influents qui le critiquent sans
ménagement sont persuadés qu'il a fait son temps. Ils font allusion à
la nécessité de procéder la Constitution de nouvelles alliances en
prévision de prochaines échéances politiques. Leurs déclarations et
prises de position tonitruantes "sont des ballons d'essai destinés à
préparer les esprits à cette révision de la coalition dans sa
configuration originelle.
Quand on considère le fonctionnement même de la coalition, on
s'aperçoit que ses membres fondateurs ne la gèrent pas comme les
partenaires égaux. L'un a nettement pris de l'ascendant sur les autres
qui se sont mis à sa remorque sans broncher. Celui qui s'est hasardé à
lever la crête et à s'émanciper, s'est fait marginaliser. Il n'est plus
aujourd'hui que l'ombre de lui—même. L'UDEMO sait déjà à quoi s'en
tenir, tandis que le PALU reste comme l'oiseau sur la branche. Les
rênes la coalition sont, de toute évidence, tenues par le PPRD sans
partage. C'est le parti leader de la coalition qui agit comme il
l'entend, bien sûr sous le paravent de l'AMP. Le PPRD et l'AMP ne font
qu'un; celle—ci passant pour l'instrument de celui-là. Aucun autre des
partis fondateurs de la coalition n'a la voix prépondérante autant que
le PPRD. C'est lui qui détient les clefs du « paradis » dans sa main
droite et celles de «l'enfer» dans sa main gauche. Le sort du Premier
ministre et des ministres, dans ce système, lui appartient. Les débats
parlementaires sur le projet de budget ou sur la motion de défiance ne
sont que des formalités de parade qui peuvent conduire au renversement
du gouvernement si cela n'est pas déjà décrété d'en haut.
source : la tempêtes des Tropiques