La motion de défiance contre Muzito
C’est finalement décidé. La motion de défiance contre le Premier
ministre Adolphe Muzito sera débattue, sauf changement de dernière
minute, ce mercredi 7 octobre 2009 à l’Assemblée nationale. C’est ce
que l’on peut affirmer après la distribution aux députés nationaux,
hier lundi 5 octobre, du texte de la motion de défiance adressée au
Premier ministre. La ténacité, pour ne pas parler de l’acharnement, de
l’auteur de ladite motion, le député national Clément Kanku Bukassa, a
fini par payer puisqu’il a obtenu ce qu’il cherchait, c’est-à-dire la
convocation d’Adolphe Muzito. Ce qui est chose faite.
Les considérations politico-politiciennes dépassées, car une certaine
opinion croyait au blocage délibéré de la procédure, l’heure est
maintenant aux choses sérieuses tant au niveau du gouvernement qu’à
celui des élus nationaux. En effet, cet exercice doit être circonscrit
dans son vrai cadre et traité de manière responsable en y bannissant le
spectaculaire et le populisme, objectif malheureusement poursuivi par
certains élus. La motion de défiance est l’un des moyens
constitutionnellement garantis aux députés nationaux par lequel ils
arrivent à contrôler la gestion du gouvernement. Elle est, de ce fait,
à la fois un exercice et une exigence démocratique auxquels doivent se
soumettre les gouvernants et les élus. Evariste Boshab, président de la
chambre basse du Parlement doit insister sur cet aspect s’il veut que
cette bonne initiative produise le résultat escompté, c’est-à-dire
évaluer la gestion du pays. On peut faire confiance à nos élus qui
sauront préserver l’image démocratique de notre pays.
Mais qu’à cela ne tienne, il était temps qu’Adolphe Muzito vienne faire
l’état des lieux de sa gestion, une année, jour pour jour, après sa
désignation au poste de Premier ministre. C’est en cela que cet
exercice est normal et doit le rester. Il n’est pas acceptable qu’un
Premier ministre, responsable numéro un du gouvernement, puisse passer
toute une année à la tête de l’exécutif national sans se présenter
devant les députés, sauf pour défendre son projet de budget. Sous
d’autres cieux, on assiste chaque semaine au défilé des membres du
gouvernement, y compris le Premier ministre, devant la Représentation
nationale, bravant les huées et les désapprobations des opposants alors
que chez nous le responsable du gouvernement n’est pas familier de
l’hémicycle. Cela ne renforce pas l’image démocratique du pays et ne
contribue pas à rendre l’exercice ‘’familier’’.
Les élus attendent du Premier ministre des explications sur la grave
crise qui ronge l’économie du pays. Qu’il s’agisse de l’érosion
monétaire, de l’encadrement de l’économie nationale, de la politique
d’adjudication des devises opérée par la banque centrale, du social de
la population et des nombreuses grèves qui menacent d’éclater ou qui
sont mal éteintes ou de la sécurité à l’Est du pays, il existe une
panoplie des questions auxquelles l’opinion attend des réponses
précises pour se faire une image de la gestion Muzito.
Mais il faut noter que l’inscription de cette question à l’ordre du
jour vient bousculer le calendrier de cette session, essentiellement
budgétaire, car le gouvernement a déjà déposé sur la table du président
de l’Assemblée nationale, son projet de budget pour l’exercice 2010. La
logique aurait voulu que l’examen de cette question soit prioritaire
par rapport à la motion surtout que le budget devra être renvoyé à la
commission Ecofin avant d’aller au Sénat. Il y a un risque de
gaspillage de temps à consacrer à l’examen du budget. En outre, la
motion de défiance aboutira à un vote dont l’issue n’est connue de
personne. Si, par pire hypothèse, le Premier ministre, qui n’a pas
beaucoup des fans à la chambre basse, arrivait à y laisser «sa peau»
l’Assemblée nationale sera accusée de blocage puisque, dans ce cas de
figure, l’examen du budget sera différé. Mentalité congolaise aidant,
personne ne songera encore au budget jusqu’à ce que les intérêts des
uns et des autres soient satisfaits.
A voir la volonté d’en découdre qui anime les élus, on a l’impression
que personne ne songe au budget, surtout que celui de 2009 n’a été qu’à
peine exécuté. Il y a une sorte de fixation sur la motion de défiance
qui étonne. Cette fixation a beaucoup d’explications notamment le
mécontentement des élus suite au paiement devenu irrégulier de leurs
émoluments. Empruntant un raccourci, ceux-ci font porter le chapeau à
Adolphe Muzito qui n’est donc pas totalement à l’abri d’une surprise. A
cela, il faut ajouter les fissures apparues ces derniers temps au sein
de la majorité parlementaire où le courant anti Muzito ne fait plus
mystère de ses intentions. Certains députés de la majorité ne cachent
plus leur hostilité contre le chef du gouvernement, qu’ils ont décidé
de ne plus soutenir.
Mais partant des déclarations isolées de quelques députés, il est
difficile de conclure à un lâchage en règle. C’est l’expression d’un
certain mécontentement dont les origines remontent à la désignation
d’Adolphe Muzito au poste de Premier ministre. C’est donc une sorte de
règlement des comptes internes dans la majorité tout comme la guéguerre
qui oppose le numéro un de l’exécutif à certains de ses ministres dont
Olivier Kamitatu.
Sans une mobilisation massive de la majorité, Muzito ne pourra pas
faire face seul à la furie parlementaire. Et qui dit majorité voit son
leader naturel, seul aujourd’hui capable d’imposer une ligne de
conduite. C’est à ce fil, très solide, que repose l’avenir d’Adolphe
Muzito à la primature.
Source : la République